Les Naufragés de l'île de la Tortue

samedi 8 décembre 2012, 14h00

Salle Henri Langlois

14h00 16h20 (140 min)

Jacques Rozier
France / 1974 / 140 min / 35 mm

Avec Pierre Richard, Jacques Villeret, Maurice Risch.

Deux employés d'une agence de voyages imaginent une formule touristique pour faire revivre l'expérience de Robinson Crusoé. Envoyés en repérages aux Antilles, ils voient débarquer un groupe de vacanciers.

Restauration 4K à partir des négatifs image et son. Film restauré au laboratoire Hiventy par la Cinémathèque française et A17 (Jacques Rozier) avec le soutien du CNC, en collaboration avec l'Institut audiovisuel de Monaco, la Cinémathèque suisse et Extérieur Nuit.


Jacques Rozier n'a réalisé, depuis ses débuts avec la Nouvelle Vague, que quatre longs métrages. Les Naufragés de l'île de la Tortue en est le plus mal aimé, un joyau paradoxal, porteur d'une promesse autant que d'une faille qui parcourt ce désir de cinéma. Comme une évidence, Rozier veut être un cinéaste populaire, au sens le plus élémentaire – lui qui a depuis toujours filmé avec générosité et une totale absence de surplomb la France de son temps. Du côté d'Orouët, tourné en 1969, sorti en catimini en 1973, a été peu vu. Début 1974, Rozier met donc en chantier un nouveau projet, qu'il produit lui-même. La première partie de ces Naufragés se passe à Paris. Quand il filme en ville, qu'il esquisse quelques vignettes sur la vie de bureau (la relation de collègue de travail est toujours étonnamment présente chez lui) ou une aventure érotique accidentelle, Rozier se révèle un auteur de comédie irrésistible, et le génie loufoque de Pierre Richard monte d'un cran en liberté dans ces séquences qui se trouent soudain d'instants lunaires et de suspensions rêveuses. Puis le film s'embarque pour les tropiques, à la poursuite de l'utopie intimement roziérienne d'un tournage en vase clos, libéré de toute contrainte, s'offrant pour s'accomplir un temps illimité. En Guadeloupe et en Dominique, les naufragés tournent en rond, le film se défait et se met à ressembler au reflet de sa propre impasse. C'est un échec en salles, mais la poétique qui s'y joue, tout bien considéré, est intacte.

Nicolas Le Thierry d'Ennequin