Avec Orson Welles, Joseph Cotten, Alida Valli, Trevor Howard.
Dans la Vienne de l'après-guerre, l'enquête d'un écrivain américain sur la mort de son ami Harry Lime, sur un scénario de Graham Greene. Bien qu'il n'apparaisse qu'une dizaine de minutes à l'écran, Orson Welles hante chaque scène. À la fois invisible et omniprésent, il imprime son charisme évocateur. Face à lui, Joseph Cotten plonge dans un entrelacs de secrets et de manipulations, tandis que la cithare entêtante d'Anton Karas accompagne les jeux de lumière expressionnistes, jusqu'aux scènes les plus fameuses, de la grande roue aux plans obliques dans les égouts. Les images indélébiles d'un thriller ténébreux, Grand Prix du Festival de Cannes, qui n'a cessé de prendre de l'ampleur au fil du temps.
Pour financer son Othello (1951), Welles passe quatre ans à jouer dans les films des autres. Le projet le plus mémorable de cette période est Le Troisième Homme de Carol Reed : scénario de Graham Greene, partition géniale à la cithare d'Anton Karas, et une Palme d'or en 1948. L'acteur vedette met pourtant une heure à apparaître, pour un temps de présence minimal à l'écran. Mais il hante tellement le film que beaucoup d'exégètes vont jusqu'à voir, dans les plans cassés, la présence de Joseph Cotten et les ombres expressionnistes, la main divine d'Orson Welles. En somme, l'absence d'une star qui se fait attendre n'est-elle pas un état plus intense que sa présence effective, une sorte d'hyper présence ? « L'important, c'est que les autres parlent de toi », dixit Welles. — Murielle Joudet
Murielle Joudet est critique de cinéma au Monde, elle anime une émission d'entretiens sur le site Hors-série. Elle a publié Isabelle Huppert : vivre ne nous regarde pas (Capricci, 2018) et Gena Rowlands : on aurait dû dormir (Capricci, 2021). Elle a aussi écrit La Seconde Femme, un essai sous-titré : Ce que les actrices font à la vieillesse (Premier parallèle, 2022) ainsi qu'un livre d'entretien avec Catherine Breillat, Je ne crois qu'en moi (Capricci, 2023).