Dialogue avec Jean-Baptiste Thoret. Animé par Bernard Benoliel

dimanche 5 octobre 2025, 14h30

Salle Henri Langlois

14h30 17h35 (185 min)

John Schlesinger
États-Unis / 1976 / 125 min / DCP / VOSTF
D'après le roman Marathon Man de William Goldman.

Avec Dustin Hoffman, Laurence Olivier, Roy Scheider, William Devane.

« Is it safe? » C'est le crissement de la roulette du « dentiste », c'est la course éperdue d'un homme qui veut oublier la mort de son père, victime du maccarthysme. Et qui se prend de face celle de son frère, assassiné sous ses yeux. C'est une bonne part de l'histoire du XXe siècle, les fantômes de l'Holocauste qui n'ont pas fini de hanter les générations suivantes. C'est Paris, c'est New York, sales, violentes, hostiles. Sept ans après Macadam Cowboy, Schlesinger retrouve Dustin Hoffman, incarnation de l'étudiant juvénile, humaniste et angoissé. Face à lui, le grand Laurence Olivier en ancien bourreau d'Auschwitz, Mengele de pacotille qui vient raviver les braises du nazisme (Golden Globe pour sa prestation), et des seconds rôles solides, merveilleux Roy Scheider et William Devane. Adapté du roman éponyme de William Goldman, un thriller paranoïaque trempé dans son époque, et un sommet du genre.

Le roman de William Goldman (disparu en 2018) Marathon Man sort en 1975. Il en signe lui-même l'adaptation à peine un an plus tard, sur une commande de Robert Evans pour la Paramount. Celui-ci engage pour le réaliser le cinéaste britannique John Schlesinger, qui a déjà dirigé Dustin Hoffman en 1969 dans Macadam Cowboy. Thriller paranoïaque typique des années 1970, Marathon Man se distingue par son style nerveux et réaliste, son ambiance chaotique traduisant la violence et la déliquescence morale de l'époque, et ses ramifications géopolitiques où planent les traumatismes de l'histoire américaine et européenne du XXe siècle, en particulier les fantômes du nazisme. Le docteur Szell, interprété par Laurence Olivier, est inspiré du docteur Mengele, médecin en chef SS du camp d'extermination d'Auschwitz, parti se cacher en Amérique du Sud après la guerre. Si la photographie du film est confiée à Conrad L. Hall, Marathon Man marque aussi l'une des toutes premières utilisations du Steadicam dans un long métrage de cinéma par son créateur Garrett Brown. L'utilisation du procédé est particulièrement marquante dans les séquences où Dustin Hoffman court autour du Reservoir de Central Park (notamment la scène d'ouverture, qui condense tous les enjeux du film). Et dans celle où Szell déambule dans un Manhattan noir de monde, reconnu par une vieille femme juive qui l'apostrophe et tente de le faire arrêter. Le Steadicam participe ici à la création d'une atmosphère éthérée, fantomatique au sein du New York rugueux et du Paris pollué des années 1970.

Caroline Maleville


Dialogue avec Jean-Baptiste Thoret
Animé par Bernard Benoliel
60 min

Marathon Man marque les retrouvailles de John Schlesinger et de Dustin Hoffman, sept ans après Macadam Cowboy, et constitue l'un des sommets du thriller urbain des années 70. Cauchemar hitchcockien revisité par les faux semblants d'Alan J. Pakula, le film de Schlesinger fonctionne comme un roller coaster qui carbure à la peur, à la paranoïa, à la duplicité et aux fantômes d'une histoire tragique qui n'en finit pas de faire retour. C'est aussi, et peut-être surtout, l'histoire d'un homme qui court tout le temps, la mort aux trousses et une culpabilité pour tous chevillée à un corps qui ne reprend (presque) jamais son souffle. — Jean-Baptiste Thoret


Jean-Baptiste Thoret est réalisateur (We Blew It, Dario Argento, soupirs dans un corridor lointain) et historien du cinéma. Il est l'auteur d'une douzaine de livres parmi lesquels 26 secondes, l'Amérique éclaboussée (Rouge Profond, 2003), Le cinéma comme élégie : conversation avec Peter Bogdanovich (Carlotta, 2018) et Michael Mann : mirages du contemporain (Flammarion, 2021). En février 2025, il publiera Back to the Bone: John Carpenter 2025 (Magnani éditeur).

Bernard Benoliel est directeur de l'action culturelle et éducative à la Cinémathèque française.