The Grand Budapest Hotel

samedi 26 avril 2025, 14h30

Salle Henri Langlois

14h30 16h10 (99 min)

Wes Anderson
États-Unis / 2014 / 99 min / DCP / VOSTF

D'après Wes Anderson, Hugo Guinness.

Avec Ralph Fiennes, F. Murray Abraham, Mathieu Amalric.

Derrière les murs de l'opulent hôtel, le plus beau de la Mitteleuropa, se trouve un concentré du cinéma de Wes Anderson. Cadres ciselés et ornements symétriques. Splendeur surannée et humour pince-sans-rire. Une histoire de famille éclatée et des liens indéfectibles entre le concierge du palace et son jeune groom. Entraînés dans une affaire d'héritage, ils se retrouvent mêlés à un vol de tableau, tandis qu'autour d'eux, les bouleversements politiques de l'entre-deux-guerres dévastent le continent. Fresque haletante en rose et noir, The Grand Budapest Hotel est un hymne à l'amitié et à la beauté d'une époque révolue, au casting étourdissant.

« En réalité, le gourmet, comme l'artiste, est l'une des créatures les plus malheureuses sur terre. Son mal vient de ce qu'il recherche constamment et trouve si peu : la perfection. » (Ludwig Bemelmans)

On nomme manie, en psychiatrie, un état d'excitation intellectuelle et physique avec exaltation de l'humeur et euphorie anormale. Ainsi, The Grand Budapest Hotel est une comédie maniaque à saturation ébouriffante : casting en avalanche de stars funambules hollywoodiennes et européennes, récit à tiroirs façon matriochka (télescopage de trois époques différentes avec son jeu de trois formats d'image distincts), dialogues mitraillettes et mille idées formelles à la minute récompensées ici et là (décors, costumes et accessoires, séquences en stop motion et en silhouette), photographie tout en symétrie signée par le désormais attitré Robert D. Yeoman, sans oublier l'orchestre Ossipov et ses trente-cinq joueurs de balalaïkas, cors des alpes, orgue, cloches ou autre cymbalum (Oscar de la meilleure musique pour Randall Poster et Alexandre Desplat, déjà présent sur Fantastic Mr. Fox et Moonrise Kingdom). Le film a été tourné principalement à Görlitz (zone interrogeant la frontière, entre Allemagne, Pologne et République tchèque), mais pour les nombreux plans larges du palace (inspiration mélangée du Palais Bristol, Grandhotel Pupp et du Gellért à Budapest), une maquette de trois mètres de haut a été réalisée, maison de poupée monumentale entièrement décorée à la main, objet de musée immédiat. Pour raconter les tribulations d'une Mitteleuropa qui court à sa perte, Wes Anderson s'est clairement inspiré des écrits de Stefan Zweig, de l'imaginaire de Ludwig Bemelmans et du cinéma d'Ernst Lubitsch. Un bel ensemble obsessionnel et joyeux, tiré à quatre épingles et parfaitement remonté comme un coucou sophistiqué de la Forêt-Noire perfectionné au Japon, qui donne vie à un drôle de mélange entre fougue (travelling en longue prise et effet domino, signatures du cinéaste) et mélancolie, à ce tropisme délicat pour le monde perdu en photochrome et résistance pudique à la nuit de l'humanité des années 1940.

Émilie Cauquy