Avec Shelley Winters, Max von Sydow, Mario Scaccia, Renato Pozzetto.
Tiré d'une histoire vraie (l'affaire Leonarda Cianciulli dite « la saponificatrice de Correggio »), Gran bollito – littéralement le « pot-au-feu » – (Black Journal pour le titre anglais) est un film fou, unique, une perle oubliée du cinéma italien des années 70. Shelley Winters incarne une mamma italienne ayant passé un pacte avec le diable. Prête à tout pour protéger son fils adoré, elle décide d'éliminer ses amies, femmes solitaires sans enfants. L'idée de Bolognini, grotesque et géniale : les faire jouer par des hommes (Max von Sydow tout en perles et froufrous) ! Les mêmes acteurs, comme ressuscités, interprètent un rôle masculin dans la deuxième partie du film. Sens du suspense, personnages secondaires troublants (bonne attardée mentale, mari hémiplégique), photo lugubre et inquiétante... On pense au Locataire de Polanski. La chanson de Mina rappelle, quant à elle, la ritournelle de Rosemary's Baby. Entre comédie noire et film d'horreur à la sauce Bolognini, Gran bollito est un régal.
Poussée à bout, la comédie italienne ne peut finir, au mieux, que par un sacrifice humain, au pire par une hécatombe. La mort rôde, cherchant qui dévorer, dans ses sempiternelles histoires de fric et de fesses. À ce titre, honneur à Bolognini pour avoir radicalisé le propos en filmant cette matriarche cannibale, et avoir confié la couronne à Shelley Winters. On y suit, en 1938, la Bloody Mama de Corman dans son périple sanguinaire, tiré d'une affaire authentique. Mariée à un homme devenu grabataire, éprise de son fils unique (eu après treize avortements), elle transforme, au fil d'une comédie policière à rebondissement, les femmes qui la gênent, un jour en savon, le lendemain en pâtisserie. Cerise sur le gâteau humain : Max von Sydow travesti. Un grand moment de ragoût cinématographique. — F. Angelier
François Angelier est producteur de l'émission Mauvais Genres sur France Culture. Il est notamment auteur de biographies et d'essais sur des thèmes et des figures religieuses (Saint François de Sales, Paul Claudel, Huysmans). François Angelier est co-commissaire de l'exposition Apocalypse. Hier et demain à la Bibliothèque nationale de France.
Bernard Benoliel est directeur de l'action culturelle et éducative à la Cinémathèque française.