Madame porte la culotte

samedi 14 septembre 2024, 14h30

Salle Georges Franju

14h30 17h15 (161 min)

George Cukor
États-Unis / 1949 / 101 min / 35 mm / VOSTF

Avec Spencer Tracy, Katharine Hepburn, Judy Holliday.

Une mise en scène au cordeau, brillantissime. Un interrogatoire en forme de plan-séquence, mémorable. Judy Holliday en épouse bafouée, dont la tentative de meurtre sur son mari adultère se solde par un procès. Et, surtout, la complicité éclatante entre Tracy et Hepburn, entre le magistrat et l'avocate progressiste, à la verve assassine. Dans un savant jeu de miroirs, le prétoire se fait caisse de résonance : unis à la ville (belle mise en abyme du couple légendaire de Hollywood), les deux époux s'affrontent sur l'épineux sujet de l'égalité des sexes, sur le partage des rôles. Metteur en scène féministe par excellence, Cukor pose la possibilité d'une confusion des genres. C'est acide, tranchant, jouissif, et c'est peut-être là le meilleur film du trio impérial.


Dialogue avec Yola Le Caïnec
Animé par Bernard Benoliel
60 min

Alors que Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir paraît en France, Cukor réalise une comédie sophistiquée au titre original éloquent, Adam's Rib (« la côte d'Adam »). La présence de Katharine Hepburn suffit à dire l'ironie de ce titre. Icône féministe hollywoodienne, elle est censée incarner une femme conçue à partir d'un modèle masculin. Évidemment, elle y résistera, soutenue par Cukor. Comme à son habitude, le cinéaste œuvre du côté de l'actrice. Et même de deux en l'occurrence, avec Judy Holliday aussi, l'actrice la plus clownesque d'Hollywood, alors à ses débuts. Confirmant une période de Cukor plus libre et plus explicite dans sa défense des femmes, Judy Holliday gagne l'Oscar pour son rôle de Dumb Blond dans une autre comédie des genres, Comment l'esprit vient aux femmes, où elle a pu devenir tête d'affiche juste un an après Madame porte la culotte. Les deux films ont en commun d'être de dimension théâtrale et scénarisés par le couple de scénaristes Ruth Gordon et Garson Kanin. D'une certaine façon, avec ces deux films, Gordon et Kanin écrivent comme le début d'une « série hollidayienne », faisant renouer Cukor avec la subversion rénovatrice de ses films des années trente. L'inclinaison comique que Holliday donne à son cinéma singularise d'autant plus l'étrange drame, Ma Vie à moi, que Cukor réalise entre les deux. Comme film intervallaire, Ma Vie à moi rappelle en effet cette tonalité grave, quasi-désespérée, qui traverse tout le cinéma de Cukor et s'arrime à lui au tournant des années cinquante, en pleine terreur maccarthyste. — Yola Le Caïnec


Yola Le Caïnec est professeure agrégée de français enseignante en classes préparatoires, lettres, philosophie et cinéma à Rennes. Elle a écrit une thèse sur Le féminin dans le cinéma de George Cukor (1950 à 1981) à l'Université Paris 3.

Bernard Benoliel est directeur de l'action culturelle et éducative à la Cinémathèque française.