La Chambre d'ombres

lundi 8 juillet 2024, 18h00

Salle Jean Epstein

18h00 20h00 (120 min)

Camilo Restrepo
France / 2024 / 65 min / DCP

Il y a dix ans, dans L'Impression d'une guerre, Camilo Restrepo s'intéressait à la manière dont la guerre qui déchire depuis des décennies son pays natal, la Colombie, a laissé des traces constituant une mémoire visuelle. Avec La Chambre d'ombres, il invente un dispositif allégorique qui élargit et universalise la réflexion à partir d'exemples pris à toute l'histoire des représentations de la guerre et de la violence. Au centre de l'allégorie se tient une femme, seule dans sa maison par temps de guerre. Elle n'a pas de nom, pas d'identité propre, comme la guerre dont on ne perçoit que le vacarme au-dehors. Qui est cette femme ? Elle le dit au début du film, elle est celle qui, la première, a non seulement dessiné un portrait, mais surtout mémorisé une image : l'ombre projetée sur un mur par son amant avant de partir à la guerre – Pline l'Ancien relu par Restrepo. Imaginons que cette femme ait, depuis, mémorisé toutes les représentations de la guerre. Que, dans sa chambre assiégée, certaines représentations lui reviennent comme des ombres. Quand elle n'est pas occupée par la guerre qui menace de détruire sa maison, elle se met à les décrire, et à les interpréter, l'une après l'autre : un tableau de Paul Klee, un film de Travis Wilkerson, une photo de Susan Meiselas, etc. Sa parole projette les représentations dans le cerveau du spectateur qui devient, à son tour, chambre d'ombres et théâtre de la pensée. Au cœur du film, la description de L'ABC de la guerre énonce sa nature brechtienne : bien plus qu'un musée imaginaire, La Chambre d'ombres est un prototype de machine pédagogique, machine de guerre contre les illusions qui faussent notre relation aux représentations, contre toutes les formes de manipulation de la relation entre image et réalité. La chambre éclaire. — Cyril Neyrat