Mauvais sang

dimanche 12 mars 2023, 14h00

Salle Henri Langlois

14h00 17h00 (176 min)

Leos Carax
France / 1986 / 116 min / DCP

Avec Denis Lavant, Juliette Binoche, Michel Piccoli.

La population parisienne est frappée par un virus tuant ceux qui font l'amour sans s'aimer. Le jeune Alex rejoint une bande de gangsters qui tentent de voler un puissant antidote, mais tombe amoureux d'Anna, la maîtresse de son associé criminel.

Par quel étrange coup du sort les débuts de Leos Carax ont-ils pu être assimilés au cinéma pubard dit « du look » des années 1980 (Beineix, Chatiliez, Besson) ? De ses films, Mauvais Sang est sans doute celui qui a le plus prêté à confusion, à cause du tournage en studio, de sa rue reconstituée comme dans un film des années 1930, de son jeu de couleurs très « Art déco » sur les supports/surfaces. Mais son rythme tout en temps morts, ses silences appuyés, ses rapports diffractés entre l'image et le son, son formalisme entièrement dévolu à l'aventure du plan, font clairement la différence. Sous les oripeaux d'un polar en bout de course, le film est un poème d'amour fou au temps du sida, postulant un retour du romantisme sous sa forme hagarde. Alex (Denis Lavant), jeune voyou aux mains agiles, ventriloque à ses heures, croise la route de vieux gangsters en bout de course (Michel Piccoli, Hans Meyer, Serge Reggiani) qui l'embarquent dans un coup qui pourrait tous les mettre à l'abri : voler, dans les hauteurs d'une tour de la Défense, la souche d'un virus (le STBO) qui infecte « par milliers les amants qui font l'amour sans aucun sentiment ». Le casse importe moins que la nuit le précédant, chauffée à blanc par le passage de la comète de Halley. Nuit qu'Alex passe aux côtés d'Anna (Juliette Binoche), la maîtresse de son recruteur, et que Carax étire au maximum, la creusant par les tours et détours de sa mise en scène – dont un travelling épique au son du Modern Love de David Bowie. Le spectre de la maladie et de l'empêchement relance ici l'absolu de l'amour : s'aimer par-delà les corps, par-dessus tout.

Mathieu Macheret

Restauration supervisée par Caroline Champetier, par Théo Films et la Cinémathèque française, avec l'aide de la Cinémathèque suisse, la Cinémathèque de Toulouse, l'Institut audiovisuel de Monaco ainsi que le soutien du CNC et de la maison CHANEL. Numérisation en 4K à partir des négatifs originaux au laboratoire Éclair Classics, en 2022. Restauration numérique réalisée par les laboratoires Éclair Classics et Amazing Digital Studios. Étalonnage réalisé par Frédéric Savoir chez Amazing Digital Studios.


60 min

À l'issue de la projection de Mauvais sang de Leos Carax.

Le Festival Toute la mémoire du monde présentera deux restaurations de Boy Meets Girl (1984) et de Mauvais sang (1986), supervisées par Caroline Champetier, directrice de la photographie.

Films emblématiques et punk de la fin des années 1980, Boy Meets Girl et Mauvais Sang lancent la trajectoire de Carax, une filmographie qui sera traversée par ses visions de l'amour fou et tragique, ainsi que par une transfiguration de la vie diurne et nocturne dans les grandes villes, de Paris à Tokyo : Les Amants du Pont-Neuf, Tokyo !, Pola X. En 2012 (Holy Motors) et en 2021 (Annette), il signe deux autres films hors des sentiers battus, et qui apparaissent comme les manifestes d'une croyance indéfectible dans les puissances du cinéma.


Réalisateur aussi rare qu'inclassable, Leos Carax se fait connaître avec Boy Meets Girl et Mauvais sang, manifestes esthétiques des années 1980, marqués par le jeu puissant de Denis Lavant. Après le rêve ambitieux des Amants du Pont-Neuf et un mutisme de huit ans, Pola X puis Holy Motors confirment un goût pour le drame onirique teinté de bizarre. Mais aussi un culte pour la pop-rock (Bowie, Iggy Pop, New Order), qui trouve sa plus flamboyante expression dans Annette, opéra tragique porté par la musique des Sparks et le duo Adam Driver/Marion Cotillard.

Figure décisive du cinéma d'horreur contemporain, au croisement des peurs ancestrales et de celles nées de l'avènement de nouvelles technologies (spectres et Yokai issus des contes traditionnels japonais, serial killers, hommes-cyborgs...), Kiyoshi Kurosawa débute dans la série B et les films d'exploitation avant de gagner une reconnaissance internationale depuis les années 1990, jusqu'à aujourd'hui : Cure, Charisma, Kaïro, Shokuzai, Invasion, Les Amants sacrifiés... En 2012, la Cinémathèque française lui avait consacré une rétrospective.