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Dédié au 10e anniversaire de la soviétisation de l'Arménie, Land of Nairi est le premier long métrage documentaire réalisé par Bek-Nazarian, présentant un vaste panorama historique de la transition de l'Arménie d'une colonie russe à une république soviétique. Concédant une indifférence totale pour le format documentaire, Bek-Nazarian, à travers une vision poétique, voire surréaliste, traite son sujet comme un conte dramatique dans lequel le personnage central est le pays lui-même. Son méta-récit est entièrement composé d'images d'archives et de scènes rejouées, de motifs stéréotypés souvent empruntés à ses propres films. Cette approche rappelle l'œuvre de Dziga Vertov, et Bek-Nazarian livre des images d'une rare puissance graphique, semblables à des affiches qui, une fois assemblées, constituent une sorte de brochure de propagande montrant les maux du capitalisme et le « triomphe » des politiques de collectivisation de Staline. Pour Bek-Nazarian, cet axe idéologique banal est prétexte à transformer le rythme et la composition cinématographique en un médium résolument moderne, qui s'approcherait de la puissance viscérale de la musique. Fréquemment projeté à Paris et dans d'autres communautés diasporo-arméniennes dans les années 1930, Land of Nairi a été rapidement oublié par la suite. Pourtant, de par son utilisation des images d'archives et ses tentatives de « musicalité visuelle », Bek-Nazarian fait figure de pionnier, ouvrant une voie qui atteignit un point culminant avec des réalisateurs de documentaires arméniens tels qu'Artavazd Pelechian.
Vigen Galstyan