Dialogue avec Joel Coen et Bruno Delbonnel. Animé par Pauline de Raymond

samedi 11 mars 2023, 14h30

Salle Henri Langlois

14h30 17h45 (195 min)

Ethan Coen, Joel Coen
États-Unis-France-Luxembourg / 2013 / 105 min / DCP / VOSTF

Avec Oscar Isaac, Carey Mulligan, Justin Timberlake, John Goodman.

Le parcours d'un musicien folk malchanceux dans le New York des années 1960.

« Je n'ai pas voulu faire un film d'époque, encore moins utiliser une vieille caméra ou du Kodachrome pour singer le New York sixties. Ç'aurait été idiot. Ce qui était important, c'était l'ambiance. Et l'ambiance d'Inside Llewyn Davis, c'était la tristesse. » Dès les premiers plans, l'extraordinaire travail de Bruno Delbonnel à la photographie teinte le dix-septième film des Coen d'une nuance hivernale et chagrine, qui semble s'étendre au derme même des personnages. Blêmes, tous portent le fardeau d'une vie de débrouille, d'échecs successifs et de radiateurs en rade. La lose, chez les Coen, est souvent affaire de forme : suintante pour Barton Fink, glaciale dans Fargo, elle est ici d'un gris laiteux qui donne au film un rythme gourd, aussi gelé que les doigts de Davis, qui ne semblent s'animer que lorsqu'il est sur la scène d'un bouge quelconque. Oscar Isaac, dont c'est le premier grand rôle, porte haut les couleurs de l'échec – c'est même pour tout dire l'un des plus beaux perdants de la longue lignée de losers dessinée par les frères Coen depuis quarante ans. John Goodman, Carey Mulligan et Adam Driver, chacun à leur manière incarnations des vaincus du folk et du jazz des années 1960, sont au diapason du film, le plus musical, et peut-être le plus émouvant, du duo. Une folk song mélancolique, souvent drôle, à la gloire des musiciens bohèmes qu'une tornade armée d'un harmonica, d'une guitare sèche et d'une voix nasillarde allait finir par reléguer dans les marges de l'histoire.

Xavier Jamet


Dialogue avec Joel Coen et Bruno Delbonnel
Animé par Pauline de Raymond
90 min

À l'issue de la projection de Inside Llewyn Davis (2013), Joel Coen échangera avec le directeur de la photographie Bruno Delbonnel à propos du film et de leur collaboration artistique.


Cinéaste américain, Joel Coen débute au début des années 1980 comme assistant-monteur sur Evil Dead de Sam Raimi. Avec son frère Ethan, il se fait remarquer dès leur premier long métrage, Sang pour sang (1984). Depuis lors, du film noir au western en passant par le musical, on reconnaît « le style Coen » dans cette alliance entre absurde, insensé et humour noir qui caractérise les déboires de leurs personnages, losers existentiels, figures anonymes écrasées par le Destin (Fargo, 1996 ; A Serious Man, 2009) ou silhouettes cools aussi anachroniques qu'irrésistibles (The Big Lebowski, 1998). Les deux frères sont nommés présidents du Festival de Cannes en 2015, là où ils avaient remporté une Palme d'or en 1991 pour Barton Fink. En 2022, Joel Coen réalise son premier film en solo : The Tragedy of Macbeth, produit par Apple TV.

Né à Nancy, Bruno Delbonnel se forme à l'ESEC dans la section « Caméra et lumière », avant de réaliser un premier court métrage, Réalités rares, à l'âge de 21 ans. Pendant le tournage, il fait deux rencontres déterminantes : Henri Alekan, l'immense directeur de la photographie de La Belle et la Bête (Jean Cocteau) et des Ailes du désir (Wim Wenders), auprès de qui il trouve sa vocation, et Jean-Pierre Jeunet, avec qui il reçoit la consécration, quelque vingt ans plus tard, en signant les lumières du Fabuleux Destin d'Amélie Poulain et d'Un long dimanche de fiançailles. Deux succès internationaux qui lui ouvrent les portes du cinéma américain (Harry Potter et le Prince de sang-mêlé) et l'amènent à travailler pour des univers visuels aussi différents que les films d'Alexandre Sokourov (Faust), de Tim Burton (Dark Shadows, Big Eyes) ou des frères Coen, rencontrés en 2006 sur le tournage du segment de Paris, je t'aime (Tuileries). Avec eux, Delbonnel réalise l'un de ses chefs-d'oeuvre, le mélancolique Inside Llewyn Davis, dont il réussit merveilleusement à traduire la tristesse en images. Ensemble, ils font aussi un western, The Ballad of Buster Scruggs. Puis le chef opérateur retrouve Joel Coen en 2021 pour The Tragedy of Macbeth, plus que jamais animé par l'envie de collaborer avec « des réalisateurs qui ont une réelle réflexion sur la grammaire cinématographique ». Son credo : « Comprendre leur écriture et apporter ma pierre à l'édifice, voilà ce qui m'intéresse. »

Pauline de Raymond est responsable de programmation à la Cinémathèque française. Elle a créé le Festival de la Cinémathèque en 2012.