Jacky Caillou

lundi 12 septembre 2022, 20h00

Salle Georges Franju

20h00 21h35 (92 min)

Avant-première du film, avec Arizona Distribution


Lucas Delangle
France / 2021 / 92 min / DCP

Avec Thomas Parigi, Edwige Blondiau.

Jacky Caillou vit dans un village de montagne avec sa grand-mère, une magnétiseuse-guérisseuse reconnue de tous. Alors qu'elle commence à lui transmettre son don, une jeune femme arrive de la ville pour consulter.

C'est un petit gars de la montagne, Jacky, un gars de la Vallée du Verdon et de l'Issole, dans les Alpes de Haute-Provence. Lui aussi voudrait, comme sa grand-mère, avoir les mains qui tremblent et qui chauffent, pour guérir notamment les maladies de la peau. Alors il épie la vieille dame, quand elle reçoit ses patients, et s'interroge sur la transmission de ce don. Il fait de la musique aussi, Jacky, et il a plein de rêves dans la tête, des rêves de fuite, d'échappée belle, de cet environnement vert et rocailleux où il se fond pourtant. S'immerger dans la nature, étreindre les arbres, se laver dans la rivière, chanter le temps des abeilles, s'allonger sur la terre qu'il foule à pied ou sur son quad, sont des activités qui résument le quotidien de Jacky, nom de famille Caillou, se recueillant régulièrement sur les tombes de ses parents, deux monticules de pierres au flanc de la montagne escarpée.

C'est cette fusion du garçon avec la nature que filme Lucas Delangle dans son premier long métrage, baptisé du nom de son personnage principal. Ces arbres qui frémissent, les peaux léchées par le vent, cette sensualité des éléments qui fait d'abord défaut au jeune homme et qu'il recherche quand il tombe amoureux d'Elsa, jeune femme mystérieuse dont une tache grise bientôt poilue va envahir peu à peu le dos nu. « T'as pas de sensualité, t'as jamais touché une fille » lui dit sa grand-mère en préambule. Jacky Caillou sera donc le portrait initiatique d'un petit gars de la montagne qui fait l'apprentissage de l'altérité à guérir, de la caresse et de la perte. Un récit de deuil (sa grand-mère décède dans le premier quart d'heure du film) qui annonce une libération. Ce qui l'unit à Elsa, une forme d'animalité sans doute, mais un rapport intime au végétal aussi. L'origine de la différence d'Elsa tiendrait effectivement d'une fascination envers trois peupliers qui l'hypnotisaient avant d'être coupés. La forêt des cimes semble les avaler parfois, tous les deux. C'est « l'appel de la forêt ». Toute la mise en scène, brillante, humble puzzle d'un fragment de rocaille et des hommes qui la peuplent, se vit en plans fixes fulgurants et mouvements de caméra discrets. Entre chien et louve, bien sûr aussi. Car l'intensité de la journée se trouve toujours en son début ou en sa fin. Les légers zooms employés nous rappellent aussi que Jacky Caillou est un film sur l'invisible et sur la croyance. Si dans son moyen métrage, Du rouge au front, Lucas Delangle interrogeait le désir de fiction, il prolonge cette idée avec son premier long. Car Jacky est aussi un jeune homme qui se construit un récit personnel fantastique et amoureux que le spectateur fait sien. Son corps en route, le regard assuré, emporté vers les nuages, ou dérivé vers Elsa, appartient au registre somnambulique. On pourrait croire à un rêve éveillé où les brebis et les agneaux meurent de peur la nuit, face à la bête. Et puis il y a les mains, au centre du film, motif autant bressonien que fantastique, ces mains en marche elles aussi, ces mains qui brûlent et qui font le bien, ces mains fascinantes de ce qu'on n'osera appeler miracle.

Bernard Payen