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Les Frissons de l'angoisse, ou le film sous influence(s) : la présence de David Hemmings et la structure du film évoquent Blow Up pour une filiation assumée avec Antonioni, l'actrice Clara Calamai apporte avec elle un peu des années 40 et de Visconti, l'affiche est directement inspirée de celle créée pour Vertigo d'Alfred Hitchcock. Argento écrit son film avec Bernardino Zapponi, scénariste de Risi et de Fellini, prête ses mains à l'assassin comme avant lui Fritz Lang, et fait reconstruire à l'identique le célèbre tableau de Hopper, Nighthawks. C'est aussi la première collaboration avec Goblin, pour un score devenu un classique du cinéma de genre, et surtout le film de la rencontre avec Daria Nicolodi. Explosion de couleurs avec un rouge ultradominant, hallucinations auditives, le cinéaste achève de mettre au point son esthétique du meurtre, rassemble toutes ses passions, et en tire son chef-d'œuvre.
Sans doute Ricciotto Canudo (1877-1923) aurait-il été ravi des « folies » de son futur compatriote Dario Argento. En effet, Canudo, qui vécut la naissance du cinéma, le célébra en visionnaire et le baptisa du nom de « septième art », aurait vu dans Les Frissons de l'angoisse, par exemple, cette cathédrale réunissant ce qu'il nommait les Arts du temps (la musique principalement, ici celle devenue célèbre de Goblin) et les Arts de l'espace (essentiellement l'architecture, ici cette somptueuse demeure Art nouveau qui recèle le cœur du secret). Une synthèse supérieure à laquelle le film ajoute le cinéma lui-même : la mise en scène de chaque plan, une caméra comme vivante et palpitante, le conflit dynamique du mouvement et de son analyse. Le cinéma aussi, sous forme de citations, remplois et réminiscences d'Antonioni, de Visconti, de Hitchcock, et plus encore avec cette résurrection à l'écran du monde télépathique du muet pour mieux méduser celui qui regarde. « Dans un temps non lointain – je l'annonce –, un nouvel art mettra non plus seulement la ligne, mais la couleur elle-même en mouvement, réalisant par des jeux d'intensités des jeux d'émotions auxquels le spectateur ne saurait se dérober. » (Canudo, 1919)
Bernard Benoliel