Les Femmes naissent deux fois

vendredi 1 avril 2022, 19h30

L'Archipel Hors les murs

19h30 21h10 (99 min)

Les Femmes naissent deux fois Onna wa nido umareru
Yûzô Kawashima
Japon / 1961 / 99 min / DCP / VOSTF

Avec Ayako Wakao, Jun Fujimaki, Hisano Yamaoka.

Koen, une geisha qui entretient des relations avec plusieurs hommes de tous âges, se voit proposer l'exclusivité par l'un d'eux, le vieux Tsutsui.

Restaurations 4K, financées par Kadokawa Corporation pour Daiei, réalisée par le laboratoire Cineric au Portugal. Sortie en vidéo en 2022.


À quoi rêve encore le Japon ? C’est la question que se pose Yuzo Kawashima pour son premier travail dans les studios de la Daiei. La lumineuse Ayako Wakao construit ici son personnage de « geisha sans art » comme un corps qui se réinvente à chaque nouveau client. Tour à tour maternelle ou infantile, elle donne l’illusion de s’accorder aux désirs des hommes tout en poursuivant son cheminement personnel sans romanesque superflu. Les femmes naissent deux fois est une mosaïque de séquences rarement liées les unes aux autres, et maintenant toujours la dimension psychologique à juste distance. La structure déroutante du film épouse des contours expérimentaux : la musique se résume à une série de modulations discordantes, et les nombreux décadrages restituent plastiquement le dérèglement de cette société plus soucieuse de montrer sa supériorité économique que de révéler ses sentiments. Réflexion sur la frivolité d’un monde mis à nu par l’acuité anatomique du regard, l’œuvre brode avec une grande sensibilité, et une approche presque entomologique, le quotidien d’une dame de réconfort ainsi que ses évolutions dans le consumérisme cynique caractérisant les années 1960. La maison de tolérance, déguisée en maison de geisha, est jumelée au très controversé sanctuaire du Yasukuni que l’on sait construit pour célébrer la mémoire des soldats morts pour l'Empereur, ce qui vient également inclure les âmes des criminels de la dernière guerre. À travers les yeux de la jeune femme, le lieu devient le réceptacle de la défaite non seulement militaire, mais également morale de son propre pays.

Clément Rauger