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Cinquième adaptation à l'écran du Loup des mers de Jack London, sur la dizaine produite depuis 1913, la version de l'ultra-prolifique Michael Curtiz demeure inoubliable. Hongrois débauché par la Warner et pilier du studio (de 1926 à 1954), le réalisateur de Casablanca fait une parenthèse dans sa période Errol Flynn et manœuvre, avec un art consommé, un voyage en enfer à bord du Fantôme. De savants mouvements d'appareils entre cordages et cales humides dévoilent le sinistre navire qui concentre un équipage d'affreux damnés et perce l'épais brouillard, tandis que la tension monte. Dans un de ses plus illustres rôles de méchant, le légendaire Edward G. Robinson, délesté de ses guêtres de gangster, incarne le Capitaine Wolf, tyran fou et cruel qui applique le vers de Milton, « Mieux vaut régner en enfer que servir au paradis », écho à l'offensive nazie. Éclatants dans de sublimes gros plans, Ida Lupino ( la seule femme du casting) et John Garfield (en rebelle, inventé de toutes pièces par le scénariste Robert Rossen) éclipsent le héros. Film d'aventure aux accents mélodramatiques, Le Vaisseau fantôme navigue dans des eaux troubles, baignées de fantastique et nimbées de la noirceur ambiguë qui imprègne les productions hollywoodiennes d'alors, du script à la photo. Sol Polito, qui œuvre avec Curtiz depuis six ans à la lumière, et le réalisateur Byron Haskin, aux effets spéciaux, font des prodiges. Les images fascinantes, d’une splendeur visuelle inouïe, n’en finiront pas de nous hanter.
Blandine Étienne