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À bien des égards, Au-delà des grilles déroute par sa manière de ne jamais correspondre aux catégories dans lesquelles on pourrait facilement le ranger. Si, dans son personnage de fuyard, Jean Gabin rappelle ses grands rôles de hors-la-loi des années 1930, l’acteur joue à contretemps de ses emplois passés, comme désabusé par ce type d’intrigue. Les nombreuses scènes de rues et les plans récurrents sur les ruines de la Gênes d’après-guerre révèlent un désir d’ancrer le récit dans une réalité contemporaine, mais René Clément ne se complaît pas pour autant dans l’esthétique néoréaliste alors en vogue en Italie. Son film ne témoigne d’aucune injustice socio-politique, mais raconte avec ironie la destinée presque tragi-comique d’un meurtrier contraint d’interrompre sa cavale dans une ville inconnue, à cause d’une banale rage de dents. Dans ce film à cheval entre le mélodrame, la comédie, l’étude de mœurs, le policier et le sentimental, le cinéaste propose une forme narrative originale et complexe. Par quel biais aborder cette œuvre qui mélange autant les tonalités ? La clé se situe peut-être dans la dernière scène. Jean Gabin et Isa Miranda y interprètent avec un certain détachement la séparation des amants, situation maintes fois rejouée ailleurs, à laquelle eux-mêmes semblent ne plus croire. Au-delà des grilles se donne à lire ici comme une œuvre désenchantée manifestant sa perplexité à l’encontre d’un certain cinéma classique qui ne peut plus se regarder au premier degré. Dans ce dernier mouvement, le film de René Clément affirme son indéniable modernité.
Adrien Valgalier