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Dix ans après Marche à l'ombre, son premier essai, Michel Blanc repasse derrière la caméra avec Grosse Fatigue, second long métrage personnel dans lequel il égratigne les conséquences d'une célébrité écrasante. Inspiré par les propres déboires de Gérard Jugnot face à un sosie ayant usurpé son identité, l'acteur-réalisateur imagine une comédie caustique, prix du scénario au Festival de Cannes en 1994, où il filme, entre humour noir et autodérision, les retrouvailles de la troupe du Splendid. Telle une fausse pièce de théâtre au regard acéré sur le cinéma français, Grosse Fatigue matérialise à l'écran les questionnements de son auteur, désireux de laisser s'exprimer sa réelle personnalité dans un film original. À travers son récit surréaliste de double malveillant, il assimile l'exposition médiatique à un cauchemar éveillé, capable de susciter une réflexion à peine dissimulée sur la dépression et la culpabilité. Dans cette volonté de mettre en scène une réalité afin de la détourner, Michel Blanc casse son éternelle image de joyeux luron pour mieux se moquer de lui-même. Avec des dialogues enlevés à la tonalité grinçante, il dissèque les difficultés du métier d'acteur et la duplicité qui en découle au cœur d'une partition où règne l'influence de Woody Allen. À ses côtés, Carole Bouquet fait ses premiers pas dans la comédie avec une glorieuse prestation qui s'éloigne de ses rôles dramatiques, grâce à un second degré aussi bienvenu que malicieux.
Céline Bourdin