Tabou

samedi 12 février 2022, 14h30

Salle Henri Langlois

14h30 17h00 (146 min)

Tabou Tabu
Friedrich Wilhelm Murnau
États-Unis / 1929 / 86 min / DCP / INT.FR.

Avec Reri, Matahi, Hitu.

La belle Reri et Matahi, un pêcheur de perles à Bora-Bora, sont amoureux. Mais Hitu, le prêtre de la tribu, désigne la jeune fille pour être la vierge vouée aux dieux, et elle est désormais taboue. Matahi décide de l'enlever.

Bora Bora 1931, Murnau débarque avec Robert Flaherty, père de Nanouk et Moana, pour tourner une histoire des mers du Sud, un nouveau poème d'amour funeste, basé sur les conditions de vie paradisiaque des îles du Pacifiques. Un retour à la nature, loin des décors de studio. Peu d'acteurs blancs, mais des métis et des indigènes, non professionnels, pour capter l'âme polynésienne. Trois ans après la sortie du Chanteur de Jazz, Murnau, qui ne croit pas à la disparition du muet, n'a pas encore exploré toutes les possibilités visuelles de sa caméra. Son film s'ouvre sur une déferlante de corps agiles, éphèbes et jeunes filles exubérants de joie. Baignades dans des torrents argentés, canoës élancés sur des flots étincelants, danses et fantaisies festives. Des images d'un esthétisme presque irréel, des gros plans sublimes, exprimant toute la sensualité des deux amants, toutes leurs émotions, du rire au désespoir. Le tabou brisé, le jour fait place à la nuit, et les voici, maudits, dans une fuite vers l'amour contre la mort.
Une malédiction en appelant d'autres dans cette contrée du Pacifique, on rapporte que plusieurs incidents mystérieux (empoisonnement, noyade, incendie) ont lieu pendant les dix-huit mois de tournage sur ces terres sacrées. Des croyances et des superstitions qui annoncent la fin tragique de Murnau lui-même. Un accident de voiture lui ôte la vie, à 42 ans, une semaine avant la première du film à New York, alors qu'un contrat de dix ans l'attend à la Paramount. Ce sont alors mille projets d'un génie du cinéma qui s'envolent à tout jamais.


60 min

Rencontre animée par Bernard Benoliel.

« Murnau ne vivait que par et pour son amour de l'art. À ses yeux, le cinéma était un art à part entière, et, aussi divertissant qu'il puisse être, s'inscrivait dans la continuité d'une longue lignée de chefs- d'œuvre picturaux – à un autre niveau, sur une autre "dimension", certes, mais le digne héritier des grands maîtres de la peinture. La nature était son matériau ; l'ombre et la lumière, sa palette et son pinceau. » (Nicolas Chemla, Murnau des ténèbres)

À partir de 17h, la discussion sera suivie d'une signature par Nicolas Chemla de son ouvrage à la librairie de la Cinémathèque.


Anthropologue de formation, Nicolas Chemla est romancier, essayiste et chroniqueur. Il est l'auteur de Monsieur Amérique (Séguier, 2019) et de Murnau des ténèbres (Cherche Midi, 2021),qui raconte le tournage « maudit » de Tabou autant que la magie des îles des mers du Sud. Passionné de romantisme noir, de cinéma transgressif et d'une littérature « impure », il aime créer des ponts entre les cultures, les sujets et les points de vue, et déplacer les frontières de genre.