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Baigné par la grisaille d'un univers dépourvu d'horizon, Kieślowski, avec La Cicatrice, adapte à l'écran le récit du journaliste Romuald Karaś, où un dénommé Bednarz devient gestionnaire d'une usine de produits chimiques. Si tout porte à imaginer ce personnage tel un impitoyable magnat du secteur, le cinéaste va, au contraire, prendre le parti de l'humaniser en étudiant l'ambivalence de sa fonction. Pour créer de la connivence avec un héros déchiré entre le Bien et le Mal, le film se pare ainsi d'un travail de précision sur les contrastes visuels – l'alternance flou/net, ombre/lumière – et une musique ponctuée de bruits intempestifs. Krzysztof Kieślowski veut saisir l'atmosphère délétère qui règne, mais aussi donner à voir une nature détruite par le profit. Au-delà du communisme, le long métrage s'impose comme un essai contemporain, capable de préfigurer l'impact environnemental de l'industrialisation. Dans ce désespoir ambiant, son protagoniste hésite et s'interroge sur son aptitude à diriger, tout en étant aisément manipulé malgré lui. Derrière les responsabilités brûle alors la fêlure intime, celle d'un homme coupé de sa famille, déterminé à renouer, par tous les moyens, avec les siens.