Réouverture des salles le 2 janvier 2026, à l’issue d’un mois de traitement intensif et rigoureux des espaces, comprenant un traitement approfondi des fauteuils et des moquettes, ainsi que des contrôles canins renforcés. L’efficacité de ces mesures permet de garantir des conditions d’accueil optimales, avec des salles certifiées exemptes de punaises de lit.
J'ai découvert Blue Collar avec Benoît Jacquot, le premier jour de sa sortie new-yorkaise. On est resté tous les deux silencieux, sous le choc. Et ce, dès les premiers plans, scandés par une musique bluesy qui vous plonge au cœur d'une usine de voitures, monde de sueur et de travail que la caméra de Schrader filme avec une telle force, une telle proximité, qu'on a envie de se protéger des éclats des lampes à souder. C'est l'un des très rares films à s'intéresser au monde ouvrier. On se sent projeté dans une chanson de Bruce Springsteen – qui vénérait ce film autant que Taxi Driver. Comme l'écrit Roger Ebert, « Blue Collar est une œuvre colérique, radicale, sur l'étau qui emprisonne les ouvriers coincés dans une vie d'oppression, qui recoupe la vision de sociologues comme Harvey Swados et Paul Goodman ». D'autant que Schrader a choisi un angle original, après avoir découvert que la plupart des ouvriers qu'il avait rencontrés détestaient plus encore leur syndicat traître et méprisant que les patrons. Avec son frère Leonard, il invente une histoire de hold-up commis par trois amis, qui met à jour la duplicité du syndicat, mais aura des conséquences tragiques, faisant exploser cette amitié. Pas de fin hollywoodienne ou vaguement libérale, mais une conclusion amère et désenchantée. Il fallait du courage pour réussir un film aussi honnête et droit, mais surtout un vrai talent de metteur en scène pour le traiter avec un tel humour, une telle humanité. Et ce malgré un tournage éprouvant, où les trois acteurs ne cessèrent de s'agresser mutuellement et d'attaquer Schrader. Rien de tout cela ne se voit à l'écran, et il en résulte un film paradoxal. En apparence, Blue Collar ne comprend aucun des thèmes, des obsessions chères à Schrader. Pourtant il me semble bien plus personnel et plus réussi que Hardcore ou le trop léché La Féline.
Bertrand Tavernier