Wait Till the Sun Shines, Nellie

samedi 22 mai 2021, 11h45

Salle Henri Langlois

11h45 13h35 (108 min)

Henry King
États-Unis / 1952 / 108 min / 35mm / VOSTF

Avec Jean Peters, David Wayne.

Une petite commune du Midwest, en 1945. Ben Halper, le plus ancien barbier de la ville, se souvient de son arrivée dans la bourgade en 1895, avec son épouse, Nellie.

Dès Tol'able David, l'œuvre de King comme celle de Clarence Brown abonde en chroniques provinciales, ce que Films in Reviews appelait des « morceaux d'Americana », genre méconnu et souvent raillé par la critique française, auquel on peut rattacher le cycle du Juge Priest de Ford, ou Stars in my Crown de Tourneur. Œuvre infiniment personnelle, Wait Till the Sun Shines, Nellie en constitue un des aboutissements, tout en subvertissant le message optimiste qui en est souvent la règle. Le film, sidérant, se transforme sous nos yeux en une chronique rurale finalement très sombre, aussi bien dramatiquement que visuellement (les pièces sont très peu éclairées avec ici et là une lampe à huile) et Leon Shamroy prend des risques incroyables, filme les acteurs à contre-jour ou dans une demi-obscurité. Il procède à d'audacieux mélanges de couleurs, opposant les jaunes et les bleus dans le même plan : ainsi, lors de son retour, dans un crépuscule bleuté, Ben est interpellé par la veuve de Jordan qui le traite d'assassin, avant de courir vers sa maison nimbée d'une lumière orangée, éclairée comme l'Enfer. C'est un des seuls films de l'époque (avec Forever Amber, toujours Shamroy) où l'éclairage des lampes à huile paraît juste.

L'audace novatrice de la photo est en osmose avec le scénario de l'auteur semi-blacklisté Allan Scott. Tiré d'un livre de Ferdinand Reyher – dont Pierre Rissient dit qu'il travailla avec Brecht – le script joue sur les erreurs psychologiques, les faux pas, les cachotteries de nombreux personnages, dont le héros. C'est une chronique truffée de morts, d'échecs, de ruptures. Le Rêve Américain est mis à mal par l'adultère, les préjugés raciaux, le crime organisé, et les œillères, l'égoïsme masculin, du personnage qu'incarne David Wayne.

Bertrand Tavernier