Siegel promène une caméra nerveuse entre les bas-fonds et les immeubles bourgeois de New York, se fend d'un morceau de roi avec une poursuite sur les toits et dans les bars du quartier espagnol de la ville. Sur un scénario signé Abraham Polonsky, le cinéaste observe, montre, décortique, évitant tout manichéisme. Le tandem Widmark/Fonda, flic/préfet, intégrité et sensibilité de l'un, droiture élégante de l'autre, montre peu à peu ses failles. L'image des forces de l'ordre s'effrite, et avec elle, tout un pan d'un certain cinéma hollywoodien. Derrière le polar classique, Madigan est la peinture psychologique d'un homme, d'un milieu, et même d'une époque, celle d'une Amérique en mutation. Car l'année 1968 amorce un tournant, qui voit sortir sur les écrans quelques films marquants au premier rang desquels Bullitt. Des films violents, sans concession, qui dézinguent avec brio la figure du policier urbain et entérinent la naissance de la vague du néo-noir.