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Né de la rencontre entre Jean-Luc Godard et le producteur Menahem Golan lors du festival de Cannes 1985 – la légende raconte que le contrat a été signé sur un coin de nappe –, King Lear a longtemps gardé une dimension de « film maudit », relégué sur une étagère après une première projection polémique en 1987. De désaccords artistiques en menaces de procès, le long métrage a bien failli ne jamais exister en salles, restant à peine cinq jours à l'affiche aux États-Unis avant d'être finalement racheté et distribué en France quinze ans plus tard. Devenu un cas d'étude, souvent considéré comme l'un des gestes les plus ambitieux de son auteur, King Lear n'a rien d'une adaptation traditionnelle de l'œuvre de Shakespeare et s'interprète telle une analyse, une réflexion autour des mots. Dans la lignée des patchworks d'images et de sons emblématiques de son cinéma, Godard déplace l'action après l'explosion du réacteur de Tchernobyl sur les traces d'un cinéaste à la recherche de l'art. Sous la forme d'une farce, il conserve le texte de Shakespeare – dans sa langue originale – pour s'interroger sur la communication et la perspective d'un monde privé de regard artistique. En égratignant la superficialité des relations entre les créateurs et l'industrie, le réalisateur dénonce, à sa manière, l'instabilité du système dans un autoportrait aussi loufoque que facétieux.