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Une ville hantée par la jeunesse indolente. C'est Paris, dont Robert Bresson capte ici la pulsation traînante et la douceur mélancolique. Après Une femme douce (1969), le réalisateur tourne à nouveau en couleurs et retrouve l'influence majeure de Dostoïevski. Il porte, pour la première fois, une attention particulière aux extérieurs, musiques, habits et illusions de ses contemporains. C'est pourquoi la palette chromatique exigée du chef opérateur Pierre Lhomme est vive, comme les aplats que Jacques (Guillaume des Forêts), jeune peintre silencieux, appose sur ses toiles. À peine sorti de l'enfance, celui-ci montre la circulation erratique du désir sans objet, le vague-à-l'âme qui surprend au printemps. Le hasard le fait rencontrer une jeune femme passionnée (Isabelle Weingarten) pour qui chaque attachement a valeur de sentence.
À travers le portrait, tout en pudeur et en ellipses, de deux solitaires, le film poursuit l'aventure bressonienne des modèles ; refusant de parler d'acteurs, le réalisateur impose à chaque film une diction, un visage vaste comme un paysage (Jacques à travers la vitre), un corps qui se révèle sous nos yeux. Ainsi, dans une séquence inoubliable, la caméra suit les frémissements de la peau de Marthe au miroir. Elle se laisse aller au rythme sensuel d'une musique, portée par l'élan irisé de son propre désir. Elle surgit telle une pluie de printemps. Comment Jacques a-t-il pu y croire ? Simplement, comme la nuit veut croire au lendemain.
Gabriela Trujillo