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Splendeur visuelle, la première réalisation majeure de Vincente Minnelli est l'adaptation de courtes histoires autobiographiques de Sally Benson, scénariste de L'Ombre d'un doute d'Alfred Hitchcock, parues dans le New Yorker. Chronique familiale qui s'étend sur quatre saisons, Le Chant du Missouri restitue le regard idéalisé d'une petite fille sur le monde de son enfance. Celui d'une Amérique d'avant la Grande Dépression, d'avant les guerres, d'avant l'entrée violente dans le XXe siècle. La chatoyance des couleurs, le soin maniaque apporté aux décors et aux costumes, et le parti pris, pour une des premières fois au cinéma, d'inclure totalement les moments chantés au récit, confèrent au film l'essence d'un rêve. « There's no place like home », disait Judy Garland dans Le Magicien d'Oz en 1939. Répétée comme un mantra, cette phrase permettait dans le film de Victor Fleming de rentrer au pays natal. Cinq ans plus tard, alors que la guerre fait toujours rage au moment de la sortie du Chant du Missouri, l'heure n'est plus au voyage initiatique. On ne rentre plus, changé, au pays natal, c'est le monde qui change, et vient jusqu'au pays natal : « C'est ici, à l'endroit même où nous vivons, juste ici à Saint-Louis », dit Esther (Judy Garland) en découvrant l'exposition universelle. Comme la jeune Tootie obsédée par la mort, le film regarde avec fascination brûler les derniers feux d'un monde rattrapé par la modernité. Le Chant du Missouri, c'est celui, funèbre, d'une Amérique de Cocagne perdue, au sein de laquelle le public, qui fit un triomphe au film, avait, en 1944, besoin de se blottir à nouveau. There's no place like home was.
Olivier Gonord