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Restauration 4K par Gaumont, en collaboration avec la Cinémathèque française, avec le soutien du CNC, au sein du laboratoire L'Immagine ritrovata. Une séquence inédite du film a été retrouvée dans une copie d'exploitation détenue par le département de la Charente.
On ne saura probablement jamais à quoi aurait ressemblé le montage initial de Daïnah la métisse. Amputé de sa moitié avant même sa sortie en salles, le film de Jean Grémillon s’est mû, à son corps défendant, en une anomalie, traversée de béances qui ajoutent paradoxalement à la beauté de cette heure de poésie noire.
De fait, on suit d’un œil distrait l’intrigue exotique imaginée par Charles Spaak, huis-clos policier aux accents shakespeariens, pour rapidement s’abandonner à la magie hypnotique du film. Il faut embarquer dans le Grémillon comme on entre en songe, et s’enfoncer, médusé, dans le décor du transatlantique, ses coursives, ses courbes et ses droites filmées avec la poésie géométrique d’un Dziga Vertov. Se laisser entraîner dans un bal masqué proprement inouï, hallucination cauchemardesque où les portraits branques de Braque et Picasso semblent avoir pris corps. Admirer, béat, un prestidigitateur faire tournoyer ses poignards puis disparaître dans un nuage de fumée. Enfin, s’émerveiller, interdit, devant Daïnah, son étole blanche, sa fantastique parure de bal, sa chorégraphie sensuelle, violente et jazzy, et son spleen de bastingage. Daïnah, mystérieuse Laurence Clavius, actrice métisse à la beauté irréelle, un seul film et puis s’en va, un destin à l’image du film, fugace et insaisissable.
Illusionniste, Grémillon l’est aussi, qui invite à un voyage insolite. Il a Epstein, Dulac, Cocteau et Richter comme compagnons de cabine, et a laissé loin dans son sillage et dans l’anonymat de leurs petites carrières, les producteurs qui un jour voulurent le faire redescendre sur terre.
Xavier Jamet