À bord du Darjeeling Limited

samedi 4 mars 2017, 19h45

19h45 21h20 (91 min)

À bord du Darjeeling Limited The Darjeeling Limited
Wes Anderson
États-Unis / 2007 / 91 min / 35mm / VOSTF

Avec Owen Wilson, Adrien Brody, Jason Schwartzman.

Le voyage en train, à travers l'Inde, d'une fratrie en quête de recomposition. Équipés d'une dizaine de valises, d'antidépresseurs et d'une bombe lacrymogène, les voici en route pour résoudre une foule de conflits familiaux, prêts à se délester d'un passé trop lourd et accepter de rentrer dans l'âge adulte.

À bord du Darjeeling Limited est le cinquième long métrage de Wes Anderson. Il impose l'univers fascinant et coloré du cinéaste, où décors élaborés et costumes délicats le disputent à une mise en scène dynamique et nerveuse. Les petits espaces des compartiments et le couloir exigu du train obligent à une construction méticuleuse dans un cadre réduit, le train lui-même figurant l'histoire qui avance. Le film s'ouvre sur ce qui paraît une course-poursuite. Il y a bien une course : celle entre Bill Murray et Adrien Brody, pour qui il s'agit de monter dans le train qui vient de partir. Course entre deux générations d'acteurs, seul le plus jeune parviendra à bord du Darjeeling Limited : c'est son aventure, un voyage initiatique, après l'enfance. Peter (Adrien Brody) rejoint à bord ses deux frères, Francis (Owen Wilson) et Jack (Jason Schwartzman). Ils entament ensemble un voyage « spirituel » à travers le Rajasthan dont l'objet sera, pour ces garçons en quête de sens familial, de reconstituer une fratrie décomposée et, plus matures, de réapprendre à vivre. Traiter des sujets forts (et parfois embarrassants) à la manière d'une comédie d'aventures légère et mélancolique est un art ici parfaitement maîtrisé par Wes Anderson. Le film, émouvant et sensible, à l'esthétique affirmée et à la mise en scène élégante, approche avec intelligence les difficultés des personnages à être au monde. En l'occurrence une partie du monde, l'Inde, où ils se retrouvent à la fois perdus et bouleversés. Les trois frères trimballent une tonne de valises chics et personnalisées, dont on se demande ce qu'elles peuvent bien contenir (on les ouvre seulement pour y trouver des antidépresseurs et un gaz lacrymogène servant au cadet à tenir ses aînés à distance) et dont c'est peu de dire qu'elles encombrent. Leur mission achevée (retrouver leur mère retirée dans un monastère himalayen), les frangins, montés in extremis à bord du train du retour, contemplent leurs bagages jetés à terre, épars, comme on regarde s'éloigner un passé trop lourd, encombrant. Adultes, ils sont soulagés. Et nous, ravis.

Matthieu Grimault