Le Village des damnés

vendredi 5 mai 2017, 22h00

Salle Henri Langlois

22h00 23h40 (99 min)

Le Village des damnés Village of the Damned
John Carpenter
Etats-Unis / 1994 / 99 min / 35mm / VOSTF

Avec Kirstie Alley, Christopher Reeve, Linda Kozlowski.

A Midwich, modeste village des Etats Unis, un phénomène mystérieux arrête le temps et plonge les habitants dans un sommeil surnaturel. Neuf mois plus tard, les femmes du village mettent au monde des enfants identiques et aux pouvoirs inquiétants.

Remake du film réalisé par Wolf Rilla en 1960.


Reprenant avec originalité le thème de l'invasion extraterrestre, le livre de John Wyndham, Les Coucous de Midwich, fit l'objet de deux adaptations cinématographiques, l'une britannique, l'autre hollywoodienne, chacune remarquable. La terreur qu'y dégage l'enfant est celle naissant de la surconscience d'un-être-au-monde, d'une volonté mécanique de domination de l'univers des adultes par un savoir quasi omniscient et une absence totale d'affect. C'est bien sur cette froideur et cette apparente hyper-lucidité dont témoignent les gamins qui singularise, ne serait-ce que par les contraintes de la direction d'acteur qu'ils induisent, les deux titres. Un enfant au cinéma c'est toujours le risque de l'accident et du surgissement de l'inattendu dans le plan. La monstruosité des gamins du Village des damnés repose justement sur cette impossibilité. L'enfant n'est plus un petit animal pulsionnel et émouvant mais un monstre froid, imprégné d'une vision darwinienne où s'impose le pouvoir du plus fort et une volonté objective de domination. La comparaison du film de Wolf Rilla et celui de John Carpenter est par ailleurs riche d'enseignement. Le Village des damnés version 1960 et Le Village des damnés version 1994 sont aussi deux grands films politiques, témoignant d'une vision esthétique et morale au bout du compte assez différente. Dans le film anglais, la collectivité en proie au danger représentée par les enfants réagit avec un relatif flegme, une ironie subtile et inquiète tout à la fois (que l'on doit notamment à l'interprétation magnifique de Georges Sanders) représentatif, peut-être, de présumées qualités nationales britanniques. L'enfant n'est ainsi qu'une forme poussée mais non antagonique de cette froideur désaffectée. Le film de Carpenter adopte un point de vue radicalement différent. Les enfants y incarnent le négatif absolu d'une humanité essentiellement sentimentale dont ils constituent une projection paranoïaque. C'est la menace d'un ordre totalitaire opposé à une certaine vision idéologique de l'individu et de la liberté qu'incarnent les petits envahisseurs.

Jean-François Rauger