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Numérisation Warner Bros.
Deux en un, un peu comme si Hyde se retrouvait coincé dans le corps de Jekyll ou plutôt Dean Martin dans celui de Jerry Lewis. D’autant qu’ici, tour de vis comique supplémentaire et irrésistible, le corps qui sert d’hôte à l’expérience s’avère celui d’un hypocondriaque apparemment incurable (Martin Short). Il en résulte un effet burlesque multiplié par deux tout le long du film, une action redoublée elle aussi et synchrone entre dehors et dedans, et une idée propre aux vertus supposées de l’espace américain : tout problème psychique trouve sa solution dans une physique. Le mouvement reste la meilleure des ordonnances, mieux vaut courir que s’allonger, et entre les deux s’asseoir sur le divan du pauvre – le fauteuil de cinéma – et profiter du spectacle. À la fin même, l’hypocondriaque guéri aura découvert que « l’autre » qui se trouve en soi n’a jamais été que lui-même. L’accident supposément catastrophique va se révéler la meilleure des thérapies, et « Short » devenir grand. Tandis que son alter ego, joué par un Dennis Quaid déchaîné, va se faire tout petit, plus petit même qu’un embryon qui paraîtra alors gigantesque, pour accéder à son tour à l’âge adulte. Toute cette aventure des proportions produit l’une des figurations les plus justes du cinéma de Joe Dante : du savant de laboratoire un peu ébouriffé au joli minois de Meg Ryan, de la drôle de tête de Martin Short au sourire de « pervers et polymorphe » de Quaid, ses personnages de « grandes personnes » ont toujours encore l’air d’enfants, à deux doigts de leur enfance. Ainsi les deux méchants du film, ayant été à leur tour miniaturisés, doivent monter sur les épaules l’un de l’autre pour faire à eux deux un seul grand corps et atteindre le combiné d’une cabine téléphonique – sans doute le cinéaste s’est-il souvenu de Brats (Les Bons Petits Diables) avec Laurel et Hardy en tournant son film. Un adulte « normal » dans un film de Dante a toujours l’air d’un gosse (« brat ») qu’une expérience aurait démesurément et monstrueusement agrandi ; c’est nous aussi, en train de regarder L’Aventure intérieure.
Bernard Benoliel