Gone With the Bullets

samedi 14 janvier 2017, 15h00

Salle Georges Franju

15h00 17h20 (140 min)

Jiang Wen
Chine / 2014 / 140 min / 35mm / VOSTF / Film inédit en France.

Avec Jiang Wen, Yun Zhou, Shu Qi.

Un pastiche de comédie musicale et de film noir, dans le Shanghaï décadent des années 1920. Un escroc élégant, aidé d'un policier véreux, produit un délirant concours de beauté pour courtisanes, puis se sauve avec la lauréate, qui meurt mystérieusement.

Film inédit en France.


Avec le recul, on verra peut-être dans Gone With the Bullets l’équivalent pour l’œuvre de Jiang Wen de ce que fut La Porte du paradis pour celle de Cimino : un film ambitieux et incompris, parfois inégal, voir même un tantinet complaisant, mais d’un élan, d’une brillance et d’une singularité indiscutables. Le film fit recette dans son propre pays, mais, mal reçu par la critique après sa première à Berlin, ne fut pas distribué en dehors de Chine, et il fallut toute la persistance de Jiang Wen pour que la Cinémathèque ait finalement le droit d’en organiser deux projections exceptionnelles.

Gone With the Bullets réunit Jiang Wen dans un rôle qu’il s’est taillé sur mesure – Ma Zouri, un escroc qui utilise son charisme fou pour rêver des plus belles entourloupes, se veut un cynique en ce qui concerne le sexe, et s’hypostasie en Ennemi Public No 1 qui est aussi la Victime Publique No 1 – avec une distribution de choix : Ge You, l’acteur fétiche de Feng Xiaogang, déjà mis en tandem avec Jiang Wen dans Let the Bullets Fly ; Shu Qi, la déesse sublime de Hou Hsiao-hsien, princesse taiwanaise sortie des bas-fonds, ici dans le rôle d’une super-cocotte plus vénale et plus fleur bleue que nature ; et la très talentueuse Zhou Xun (déjà repérée dans Le Soleil se lève aussi et Let the Bullets Fly, ainsi que dans The Assassin de Hou Hsiao-hsien) qui joue la femme « trop bien » (mais secrètement amoureuse), et une sorte de « double en abîme » (elle est cinéaste et va prendre la légende de Ma Zouri comme sujet).

Le scénario s’inspire librement d’un scandale qui avait défrayé la chronique : le meurtre crapuleux de la « première courtisane de Shanghaï » par le playboy Yan Ruisheng (qui devait servir de matière à un film muet en 1921, ainsi qu’à nombre d’adaptations théâtrales). Ce qui intéresse Jiang Wen, au premier abord, c’est la complexité des relations entre le dandy et la courtisane ; les deux personnages étant sous l’influence de la drogue au moment crucial, nul ne peut élucider, ni se souvenir de ce qui a causé la mort de la jeune femme ; Jiang Wen brouille les pistes, accumule les personnages et lance son héros dans une fuite en avant. Entre temps il s’amuse, jongle avec les codes cinématographiques, expérimente avec la 3D et la palette de couleurs, met en scène des scènes délirantes (pour le concours de beauté des cocottes de Shanghaï) qui sont autant de clins d’œil à Flo Ziegfield. Dans ce désordre inspiré pointe une critique de la course folle au profit, au plaisir, à l’argent que connaît la société chinoise de nos jours comme dans l’époque républicaine.


Né en 1963 dans la province de Hebei dans une famille de militaires, Jiang Wen grandit à Pékin à partir de l’âge de 10 ans. De 1980 à 1984, il étudie à l’Académie centrale d’art dramatique de Pékin. Sa ressemblance avec l’empereur Puyi lui fait emporter le rôle pour La Dernière Impératrice (1986) de Chen Jialin. Il atteint une reconnaissance internationale avec son rôle de bandit amant de Gong Li dans Le Sorgho rouge (1987) de Zhang Yimou. Il s’est aussi imposé par ses rôles dans La Ville des Hibiscus (1986) de Xie Jin, Neige noire (1990) de Xie Fei, Li Lianying, eunuque de l’empereur (1991) de Tian Zhuangzhuang, The Emperor’s Shadow (1996) de Zhou Xiaowen, Keep Cool (1997) de Zhang Yimou, The Missing Gun (2002) de Lu Chuan, Letter from an Unknown Woman (2004) de Xu Jinglei, etc… Dans la communauté chinoise, il est très connu pour son interprétation de Un Pékinois à New York (1992), série télévisée de Zheng Xiaolong. Il joue le rôle de Baze Malbus dans Rogue One : A Star Wars Story (2016) de Gareth Edwards. Il passe à la mise en scène avec Des jours éblouissants (1994), dont le style le rapproche momentanément des réalisateurs de la 6ème génération. Son second film, Les Démons à ma porte (2000), lui vaudra un Grand Prix à Cannes. Il est aussi l’auteur de Le Soleil se lève aussi (2007), Let the Bullets Fly (2010) et Gone with the Bullets (2014).

Bérénice Reynaud