Master (The)

mercredi 15 février 2017, 21h00

Salle Jean Epstein

21h00 22h50 (109 min)

Xu Haofeng
Chine / 2015 / 109 min / DCP / VOSTF / Film inédit en France.

Avec Liao Fan, Song Jia, Jiang Wenli.

Pour sa troisième réalisation, le co-scénariste du Grandmaster de Wong Kar-wai transporte un maître du Wing Chun dans le Tianjin colonial des années 30 où il doit confronter des écoles rivales, une fausse épouse chipie et une maîtresse femme.

Film inédit en France.


Wuxia pian (film d’arts martiaux) qui part en dehors des sentiers battus, The Master n’en est pas moins truffé de références à l’histoire chinoise et à la mystique des arts martiaux. Pour son héros, Chen Shi, Xu Haofeng s’est inspiré du maître (ou shifu – d’où le titre) du célèbre Ip Man, lui-même le maître de Bruce Lee et le protagoniste du Grandmaster de Wong Kar-wai. C’est à Liao Fan, auréolé de l’Ours d’Argent pour Black Coal Thin Ice de Diao Yi’nan, qu’il a confié le rôle, l’entourant de figures légendaires du wuxia pian qui avaient travaillé dans les films de Tsui Hark ou des Shaw Brothers : Jin Shijie, Xiong Xinxin, Chen Kuan-tai… Mais ce sont les femmes qui vont donner le plus de fil à retordre à Chen : la serveuse à qui il demande de se faire passer pour sa femme (Song Jia) et la xia nü (femme guerrière) portant costume-cravate (Jiang Wenli) qui régit le monde des arts martiaux de la ville de Tianjin où il cherche à établir un dojo (une école).
Chen vient de Canton, donc The Master reproduit le clivage Nord-Sud traditionnel qui structure la fiction de maints wuxia pian – mais retravaille ces tropes avec humour et un sens précis de l’exactitude historique. Le travail que Xu et son directeur artistique Xian Ruiqing ont fait pour recréer l’atmosphère coloniale du « port franc » de Tianjin dans les années 30 est particulièrement remarquable : bâtiments coloniaux, restaurants français où l’on sert du pain, larges avenues où des hommes en robes chinoises côtoient de blondes show-girls russes et des passants d’ethnicités diverses habillés à la dernière mode occidentale.

Fasciné par les arts martiaux chinois à l’époque républicaine (« la dernière fois qu’on a utilisé les instruments traditionnels »), Xu avait déjà pris position, dans ses deux premiers films, contre une présentation trop « spectaculaire » des arts martiaux – comme dans les films de Hong Kong. Une « passe » se fait en moins d’une seconde, et est pratiquement invisible. Il filme avec un soin méticuleux le travail des couteaux, épées et autres lames, et met en scène des combats qui ont la pureté du cristal, comme des pièces de Webern. La rigueur de son écriture cinématographique n’est pas sans évoquer des échos des films de Straub et Huillet. Cela ne l’empêche pas de rendre hommage à un des maîtres les plus accomplis du wuxia pian de Hong Kong, Lau Kar-leung (Liu Chia-liang) en mettant en scène le combat final dans un hutong (une allée) où « les armes légendaires du kung fu » apparaissent tour à tour.

Bérénice Reynaud


Descendant d’une famille noble qui compte un général tué pendant le Guerre de l’opium, Xu Haofeng découvre les arts martiaux grâce à son grand-oncle, Li Zhongxuan, qui avait été chassé de la famille et avait passé vingt ans en prison pendant la Révolution culturelle. Après avoir obtenu son diplôme de l’Institut de cinéma de Pékin en 1997, Xu réussit à convaincre son oncle d’écrire ses mémoires avec lui, et ensemble ils produisent un best-seller – que Wong Kar-wai découvre pendant ses années de recherche en préparation du Grandmaster. Wong invite Xu à collaborer au scénario du film avec lui. Au moment de sa rencontre avec Wong, Xu avait déjà publié plusieurs romans d’arts martiaux, un essai sur Borges et réalisé deux wuxia pian, Sword Identity (montré à Venise en 2011) et Judge Archer (2012). Il enseigne à l’Institut de cinéma de Pékin. The Master est son troisième film.