La Rivière Suzhou

lundi 16 janvier 2017, 19h30

Salle Georges Franju

19h30 20h55 (85 min)

Lou Ye
Chine / 1999 / 85 min / Numérique / VOSTF

Avec Zhou Xun, Jia Hongsheng, Nai An.

Sur les quais interlopes de la Rivière Suzhou, à Shanghaï, un coursier ayant perdu, par sa faute, la jeune fille qu'il aimait, croit la retrouver en la showgirl qui s'exhibe dans une taverne louche. Échos de Vertigo.

La Rivière Suzhou a reçu le Grand prix de Festival FILMeX (Tokyo) et le Tiger Award (Festival de Rotterdam).


La rivière Suzhou, qui partage Shanghai en deux, enjambée d’une bonne douzaine de ponts, traîne avec elle, en dehors des déchets d’une grande ville, les rêves et les fantasmes de ses riverains. Alors que les habitants des péniches y déversent leurs ordures et tandis que la ville se hérisse de chantiers de construction, dans les recoins de ses rives traînent les lambeaux d’histoires d’amour passées. Telle est celle de Mardar (Jia Hongsheng), le jeune coursier un peu bandit, qui est tombé amoureux de Moudan (Zhou Xun), la jeune fille qu’il était chargé de raccompagner, puis qu’il a trahie. Moudan a disparu dans la rivière. Est-elle revenue sous forme de sirène comme l’affirment les bateliers ? Justement, le narrateur, un vidéaste qui demeure systématiquement dans le hors-champ, fait la rencontre d’une sirène : Meimei, qui évolue en perruque blonde dans l’aquarium d’un show sexy conçu par le propriétaire d’une taverne. L’histoire d’amour de Meimei et du narrateur se déroule, non sans quelques frictions, à l’ombre de la légende de Mardar et de Meimei. Jusqu’à ce qu’un jour, sorti de prison et revenu de longues errances, l’ancien coursier ne revienne à Shanghai. Écho de Vertigo d’Hitchcock (peut-on retrouver par hasard la femme qu’on a perdue), mais aussi de Chungqing Express de Wong Kar-wai (le choc accidentel de deux corps, un jeune homme paumé et une femme en perruque blonde). Pour son troisième film, Lou Ye, né à Shanghai, rend un hommage magnifique à sa ville natale tout en retravaillant les codes et le langage du cinéma chinois indépendant. Tout de force formel qui remet en cause la perception du spectateur (à quel moment quittons-nous le mode de narration subjective ? pouvons-nous croire à ce qui nous est montré ?), La Rivière Suzhou est une fête pour les yeux… et pour l’âme.

Bérénice Reynaud


Né en 1965 à Shanghai, Lou Ye obtient son diplôme de l’Institut de Cinéma de Pékin en juin 1989 – ce qui fait de lui un membre de la Sixième génération. Son premier long métrage, Week-end Lover (1994) reçoit un prix au Festival de Mannheim. Il réalise aussi un film de science fiction, Emotional Young Lady, produit à Hong Kong. Suzhou River (2000) est une coproduction avec l’Europe. Il fait suivre le film d’un court métrage documentaire, In Shanghai (2001). Ses trois films suivants, La Triade du papillon/Purple Butterfly (2003), Une jeunesse chinoise (2006) et Nuit d’ivresse printanière (2009) passent à Cannes. Après le moyen métrage Chienne (2010), il adapte le roman semi-autobiographique de l’écrivaine chinoise Liu Jie, Love and Bruises (2011). Ses deux derniers long métrages, Mystery (2012) et Blind Massage (2014) sont passés l’un à Cannes, l’autre à Berlin. Avec sa productrice, Nai An (qui apparaît aussi comme actrice dans certains de ses films, ceux d’autres réalisateurs indépendants et à la télévision), Lou Ye a créé sa propre maison de production à Pékin.