De 1939 à la fin des années 1950, l'histoire des frères James inspire plusieurs westerns canoniques signés Henry King, Fritz Lang, Samuel Fuller, Nicholas Ray. C'est dans une veine bien différente que s'inscrit la version signée par Philip Kaufman en 1970, qui participe à la révision des mythes fondateurs de l'Amérique au même titre que Little Big Man (Arthur Penn) ou Soldat bleu (Ralph Nelson) réalisés la même année. Contrairement à ce que laisse croire le titre français, il est bien peu question ici de légende, et guère plus du cadet des frères James. Le véritable héros du film est Cole Younger, figure du « bandit bien-aimé » que le western classique prêta plus volontiers à Jesse James. Celui-ci au contraire est dépeint comme un fanatique rongé par sa haine des Yankees (terrifiant Robert Duvall, antithèse de la bonhommie roublarde de Cliff Robertson). Face à eux, banquiers, bourgeois, policiers forment une ligue prête à tout pour les flouer ou les éliminer, malgré la ferveur populaire dont ils continuent de bénéficier sur les rives du Mississippi. Soldats perdus devenus bandits de grands chemins et meurtriers, les hommes du gang James sont des desperados, voire des guerilleros. Kaufman montre avec réalisme leurs désordres et leur vulnérabilité, de même qu'il décrit avec un soin de documentariste la froide rationalité des choix du camp adverse. Moins qu'une légende, le film est une ballade désenchantée, sous la pluie et dans la boue, sur un monde en train de disparaître.

Joël Daire