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I Vitelloni commence un peu comme une comédie à l'italienne, sans nous « écraser sous son poids épique, ou des ruses psychologiques. C'est un film qui nous est proche, qui nous parle à hauteur d'homme. On y rit. On comprend », notent Roger Tailleur et Bernard Chardère (Positif, 1954). Et c'est vrai, à un détail près : le temps nous a montré, à nos dépens, que, dans ces Vitelloni, il n'y avait pas de quoi rire. À la différence des comédies qui privilégient l'été, l'action se déroule dans un Rimini replié sur lui-même, entre l'automne et l'hiver propices au désenchantement. Fellini s'y pose en spectateur de sa propre autobiographie, et cache, davantage qu'il ne révèle, son univers poétique. I Vitelloni est construit autour de sa vie, de ses histoires de jeunesse avec ses compagnons de l'époque, les scénaristes Ennio Flaiano et Tullio Pinelli. Mais les acteurs se retrouvent face à eux-mêmes : Leopoldo Trieste se rêve dramaturge, Alberto Sordi a vraiment débuté en imitant Nazzari, Franco Fabrizi fera carrière comme vitellone du cinéma italien. Seul se démarque Franco Interlenghi, alias Moraldo, ainsi nommé d'après l'assistant réalisateur Moraldo Rossi, grand ami de Fellini. Il est le seul à avoir le courage de quitter sa province et son quotidien, et l'identification avec Fellini est claire lorsqu'à la fin, la voix du réalisateur se superpose à la sienne pour saluer ses amis qui restent. I Vitelloni est aussi un film séminal, qui aura engendré un sous-genre : les ragazzi d'Accattone, le « professeur » de Zurlini ou l'« autarcique » de Moretti, tous sont des vitelloni. Finalement, Fellini parlait toujours de lui, non pas en tant qu'auteur, mais plutôt en tant qu'homme toujours prêt à « se donner en spectacle ». Et donc, par extension, il finissait toujours par parler de nous-mêmes.
Sergio Toffetti