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Conservé et restauré en 2018 par le MoMA et la Film Foundation, avec le soutien de la Fondation George Lucas Family
Comme toujours chez Lubitsch, le désir est disruptif. Alexei a pour fiancée une jolie jeune fille naïve ; tandis que La Grande Catherine n’a pour époux que son devoir de majesté. Alexei, quant à lui, ne sera ni la première, ni la dernière des distractions masculines que s’offre Catherine, mais il restera probablement le plus malencontreusement sincère de tous. Incapable de voir cette intrigue amoureuse pour ce qu’elle est et frustré par son manque d’autorité sur l’impératrice, il se métamorphose en génie moralisateur et destructeur en rejoignant un groupuscule de révolutionnaires. Bien entendu, Catherine finit par payer le prix de son statut. Lubitsch dépeint sa fin solitaire avec grâce et empathie, mais sans aucun pathos.
À travers tout le récit, Lubitsch montre l’image d’une Catherine vérifiant à répétition son apparence dans un miroir de poche. Elle se rassure par ce geste de l’efficacité de sa meilleure arme avant de se lancer dans une énième entreprise de séduction. Mais lorsqu’enfin Alexei est renvoyé, une séquence ultime la découvre constatant l’étendue du désastre : le masque se dégrade. Un compliment heureux du Chambellan sauve la mise et redonne foi en les apparences, permettant à la souveraine de poursuivre sa tâche. Lubitsch accorde une bobine entière à cette longue séquence finale : il fait reculer la caméra pour mieux dépeindre la palette impressionnante d’émotions de Pola Negri, et apporte seulement quelques coupes pour soigner ses transitions. C’est l’une des plus belles performances du cinéma muet, qui incarne à merveille cette huitième et dernière collaboration entre Ernst Lubitsch et la vedette qu’était Pola Negri.
Dave Kehr