Ruggles of Red Gap (Leo McCarey, 1935) vu par David Lance Goines, affichiste et imprimeur américain qui revisite les classiques du cinéma, près de trente ans avant l’apparition des fanarts éditées par Mondo. Cette affichette sérigraphiée à 250 exemplaires a été conçue pour la Pacific Film Archive, à l’occasion de la programmation en 1972 du film de Leo McCarey.
Considéré comme le premier chef-d’œuvre personnel du cinéaste, L’Extravagant Mr Ruggles est une comédie sociale, tendance populiste, aux accents burlesques, romantiques et émouvants qui tire les larmes sur fond de For He’s a Jolly Good Fellow. Et David Lance Goines n’est pas le dernier à le dire : « ce film me fait toujours pleurer. »
Charles Laughton a personnellement choisi Leo McCarey, déjà reconnu comme un maître du genre, pour le diriger dans son premier rôle comique. Il incarne Marmaduke Ruggles, majordome britannique de père en fils que son patron vient de « perdre » au poker. Forcé de quitter la mère-patrie pour le pays de l’esclavage, ce spécimen distingué de la vieille Europe se retrouve dans un trou perdu de l’Ouest américain, chez des parvenus aux manières de cowboy…
Goines se concentre sur le personnage principal évoqué dans le titre – titre toujours indissociable de l’illustration dans ses travaux où s’affirment une maîtrise exceptionnelle de la calligraphie et un grand soin pour la typographie, souvent inspirée par l’Art nouveau et l’Art déco. Un visuel unique qui cristallise l’idée du film, caractéristique de l’esthétique minimaliste et efficace de l’artiste. Profil taillé dans l’Union Flag, figurant le lien entre le citoyen et sa nation, Ruggles découvre bouche bée qu’il peut changer son sort au royaume de la libre entreprise et devenir quelqu’un à Red Gap. Une nuée de colombes vient se fondre dans les rangées incomplètes de la bannière étoilée, sorties de son chapeau melon, comme par magie, et non sans rappeler que les héros ordinaires de McCarey se retrouvent souvent dans les situations les plus fantastiques. Coloris des drapeaux oblige, l’affiche tranche avec l’habituelle palette en demi-teinte de l’auteur, mais reste dans la lignée de son style, tout en aplats de couleurs avec des encres toujours élaborées par ses soins.
C’est la 20ème affiche de David Lance Goines, et la première sur laquelle il décide d’apposer sa signature.
La Cinémathèque française conserve plusieurs de ses affiches pour la Pacific Film Archive : Le Mécano de la « General » (Clyde Bruckman, Buster Keaton, 1926), L’Ange Bleu (Josef von Sternberg, 1929), Les Dieux du stade (Leni Riefenstahl, 1938), Chronique d’Anna Magdalena Bach (Danièle Huillet, Jean-Marie Straub, 1967) et Marius (Alexander Korda, 1931)…