« Kapò », son travelling...

« Kapò », son travelling...
Conférence d'Antoine de Baecque

En juin 1961, Jacques Rivette dénonce avec violence dans les Cahiers du cinéma un film de Gillo Pontecorvo, Kapo, le premier film occidental (une co-production entre France, Italie et Yougoslavie) qui, à travers une fiction, reconstitue l'expérience d'un camp de concentration nazi. Le texte de Rivette, « De l'abjection », frappe dès l'époque par son ton polémique. « Voyez cependant, dans Kapo - écrit le critique en prenant à témoin son lecteur à propos d'un plan où Emmanuelle Riva se suicide en se jetant sur les barbelés électrifiés -, l'homme qui décide, à ce moment, de faire un travelling-avant pour recadrer le cadavre en contre-plongée, en prenant soin d'inscrire exactement la main levée dans un angle de son cadrage final, cet homme n'a droit qu'au plus profond mépris. » Un simple mouvement de caméra, quand il regarde la mort de masse, peut être, au nom de l'éthique, le mouvement à ne pas faire. On mènera l'enquête sur ce texte, ce plan, le cinéma de Pontecorvo et son ostracisation en France, enfin sur l'étonnante filiation de ce « texte-plan », devenu l'une des plus célèbres propositions-dénonciations de l'histoire d'un art.

À la suite de la conférence, à 21h15, projection d'un film choisi par le conférencier : Kapò de Gillo Pontecorvo.


Antoine de Baecque a écrit L’Histoire-caméra, volumes 1 et 2, où il approche les rapports entre cinéma et histoire via l’étude formelle des films, et des biographies des piliers de la Nouvelle Vague : Truffaut, Godard, Rohmer, Chabrol. Il commence actuellement celle de Jacques Rivette, dont il pourra éclairer l'œuvre critique par des archives inédites. Il est professeur d’histoire du cinéma à l’École normale supérieure.