Trafic, 30 ans et 120 numéros

Pour clore avec son cent-vingtième numéro l'aventure de Trafic, revue trimestrielle de cinéma, nous avons choisi d'honorer les premiers mots des vers d'Ezra Pound mis en exergue de notre premier numéro, « Ce que tu aimes bien demeure ». La Cinémathèque française, Musée du cinéma, qui nous a souvent accueillis par le passé, nous a paru plus que jamais le lieu élu pour faire résonner cette mémoire.
Parmi tant de films possibles choisis par les auteurs de ce numéro, il a semblé que le film de Howard Hawks, I Was a Male War Bride (1949, devenu en français Allez coucher ailleurs), alliait de façon particulièrement juste, et joyeuse, classicisme et modernité.

« Avec le même effarement que Monsieur Jourdain se découvrant prosateur chez Molière, j'ai appris dans la lettre d'une ancienne étudiante américaine, fervente lectrice de la reine des études de genre Judith Butler, (...) que je n'étais pas, comme je le croyais depuis longtemps, un homme mais un cisgenre. (…) La présence constante dans la lettre (...) d'un ou deux modestes points dits médians, loin d'en alléger la lecture, la rendait rebutante, plutôt excluante et difficilement prononçable. Passé un moment de désarroi et pris d'un fou rire intérieur, je me suis demandé si un film parviendrait un jour à rendre compte, avec drôlerie, de ces déconcertants bouleversements dans la langue. Il m'est alors apparu comme dans un éclair que ce film n'était pas à venir : il existait, et c'était un film de Howard Hawks intitulé I Was a Male War Bride, sorti en 1949. »
Jean Narboni (Trafic, n° 120, Hiver 2021)