Dans le cinéma de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet, un acteur, avant que de dire un texte, est avant tout un corps vivant, qu'on ne découpe pas n'importe comment. Pedro Costa, dans un documentaire sur le couple au travail (Où gît votre sourire enfoui ?, 2001), le montrait à la table de montage, guettant l'origine d'un geste dans le souffle d'une respiration, la coupe à venir dans l'infime frémissement d'un clignement d'yeux. Le grain tellurique de la pellicule 35 mm, le volume insécable du son direct, confèrent aux corps straubiens, pleins et entiers, une étonnante concrétion, une présence palpable, une étendue sensorielle. Cette émotion qui s'accroche au grain d'une peau, à la rotondité d'une silhouette, à l'assise d'une posture, faut-il l'appeler – mot ô combien miné – « érotisme » ? C'est l'hypothèse que nous nous proposons d'explorer.
Mathieu Macheret
Conférence suivie du film choisi par le conférencier, Antigone de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet, à 21h15
Mathieu Macheret est critique de cinéma au journal Le Monde. Collaborateur régulier de la revue Trafic, il est aussi l'auteur d'un essai, Josef von Sternberg. Les Jungles hallucinées (Capricci, 2021). Il fait partie de l'équipe artistique du festival « Entrevues » de Belfort.