Triergon – le « travail à trois » –, rassemble à partir de 1919 trois ingénieurs allemands : Josef Engl, Joseph Massolle et Hans Vogt. Comme bien des chercheurs précédemment, ils rêvent d'enregistrer les ondes sonores sur pellicule et ne croient pas à l'avenir du cinéma synchronisé par disque du type Gaumont ou Messter. À cette époque, tout est à perfectionner, y compris les haut-parleurs et les microphones à charbon, loin d'être performants. Mais les trois inventeurs réussissent à donner des projections sonores en public en Allemagne à partir de septembre 1922. Cinq ans plus tard, le film Warner The Jazz Singer, accompagné de disques Vitaphone synchronisés, triomphe. William Fox, qui croit en l'avenir de la piste optique sonore, rachète les brevets Triergon. Ces mêmes brevets donnent naissance à Berlin, en 1928, à la Tonbildsyndikat AG (Tobis), et à la Klangfilm GmbH, issue des firmes AEG et Siemens. Les trois chercheurs n'ont guère profité de cette nouvelle ruée vers l'or... On a ensuite oublié Engl, Vogt et Massolle, qui, avec des moyens dérisoires, ont pourtant conçu, dès le début des années 1920, une technique de cinéma sonore proche de la perfection.
À Paris, Léon Gaumont investit des sommes considérables dans la recherche d'une solution commercialisable de cinéma sonore. Comme de nombreux autres chercheurs, il s'oriente d'abord vers le seul système d'enregistrement technologiquement viable à cette époque, le son sur disque. Il faut attendre 1924 pour que Léon Gaumont prenne conscience de l'avancée technologique dans le domaine du son optique et lance de nouvelles recherches dans ce sens en collaboration avec les Danois Petersen et Poulsen. Le procédé consiste à enregistrer les sons sur une pellicule 35 mm et à en synchroniser la diffusion avec un projecteur de film 35 mm portant les images. Rapidement devancé par l'industrie américaine, Gaumont perd la bataille commerciale du cinéma sonore, mais parvient notamment à présenter un premier long métrage sonore, L'Eau du Nil de Marcel Vandal, le 18 octobre 1928.
La conférence sera illustrée de films sonores du « G-P-P » récemment numérisés grâce à des nouveaux équipements développés dans le laboratoire Cinévolution, à Mons.
Laurent Mannoni est directeur scientifique du patrimoine à la Cinémathèque française. Il est l'auteur d'une vingtaine d'ouvrages sur les débuts du cinéma et a été le commissaire d'une douzaine d'expositions.
Jean-Pierre Verscheure est professeur honoraire à l'Institut national supérieur des arts du spectacle (INSAS) à Bruxelles, membre du conseil scientifique du Conservatoire des techniques et de plusieurs associations internationales. Historien des techniques cinématographiques, il dirige un centre de restauration sonore, Cinévolution, dans lequel plus de soixante-quinze systèmes sonores sont opérationnels.