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Nicolas Winding Refn a vingt-quatre ans et une poignée de courts métrages à son actif quand l'un de ceux-ci, Pusher, diffusé de nuit sur une chaîne cablée, attire l'attention d'un producteur qui lui propose de l'adapter en long métrage. Le jeune homme qui vient d'être accepté à la National Film School of Danemark doit faire le choix entre suivre les enseignements de la prestigieuse école ou réaliser un premier film à petit budget. Refn saisit sa chance et se lance à corps perdu dans le tournage. Nourri de toute la mythologie du cinéma américain de gangsters, Refn fait le choix d'en prendre le contre-pied en s'attachant aux derniers maillons d'un empire du crime qui n'est même jamais incarné dans le film. Pas question ici d'ascension et de chute, le récit sera celui tout aussi programmatique mais terriblement ordinaire d'un simple deal qui tourne mal. Dépeint ici sans aucun romantisme, le milieu danois de la petite délinquance est plus pathétique que flamboyant, plus grotesque qu'effrayant. Tourné en Super 16, caméra à l'épaule et sans autorisation dans les rue de Copenhague, Pusher adopte le style nerveux du reportage de guerre pour restituer l'âpreté et la tension du quotidien de ses personnages, losers peu aimables qui se débattent pour survivre. Refn y rend hommage à ses obsessions de cinéphile, convoquant le Scorsese de Mean Streets (lui-même à l'époque sous influence du cinéma de Cassavetes), le film noir, le cinéma de genre seventies mais également La Bataille d'Alger, référence revendiquée pour le style visuel du film. Adaptant avec une grande intelligence sa mise en scène à ses contraintes budgétaires, Refn signait avec Pusher des débuts fracassants, un premier long métrage exceptionnel d'intensité et de maîtrise dont il allait traîner quelques années le succès comme une malédiction.
Olivier Gonord