Le Dinosaure et le Bébé

Le Dinosaure et le Bébé

André S. Labarthe
France / 1967 / 60 min

Avec Jean-Luc Godard, Fritz Lang.

Les questions improvisées du « bébé » français, Godard, au « dinosaure » allemand, Lang. Rencontre entre deux âges du cinémas, fascinés l'un par l'autre.

En 1965, Jean-Luc Godard a déjà réalisé un tout petit moins d'une dizaine de films et il sait pertinemment qu'il est déjà entré de plain-pied dans l'histoire du cinéma. Il n'est plus exactement un bébé. Mais devant la caméra de Labarthe, il fait allégeance à Fritz Lang, qui a commencé sa carrière en 1919, et demande qu'on l'appelle « dinosaure ». Il ne sait plus combien de films, il a fait (42, lui dit Godard, ce à quoi Lang répond : « Mon dieu, beaucoup trop... »), il a traversé les bouleversements de l'histoire. Il a fui l'Allemagne. Traversé l'Atlantique. A connu le statut de demi-dieu national puis aux USA celui de travailleur modeste, réalisé des séries B qui étaient des chefs-d'œuvre. Seule la critique française lui octroyait le statut d'Artiste, statut que Lang n'aimait pas : « Qu'est-ce que c'est qu'un artiste ? Un homme qui travaille beaucoup, qui connait son métier ? » Lang cherche une autre définition, et soudain surgit quelque chose de proprement hallucinant. Lang dit ceci : « Le metteur en scène doit être un peu un... » Il cherche le mot... claque trois fois ses doigts, il l'a sur le bout de la langue. « Le metteur en scène doit être un psychanalyste. Il doit marcher sous la peau d'un acteur. » L'homme au monocle ressemble alors et plus que jamais à un autre docteur : Mabuse, cet alter ego maléfique et joueur, qui sondait l'inconscient des foules, manipulant les émotions. On a mal compris ce film. Ce n'est pas Godard le bébé, ni même Lang : c'est le cinéma dans son entier, le cinéma comme rêve.

Philippe Azoury

Épisode de la collection Cinéastes de notre temps. Numérisation et restauration par l'INA en 2K à partir du marron 16 mm noir et blanc et d'un son magnétique séparé.