La Clé

La Clé La Chiave

Tinto Brass
Italie / 1983 / 116 min
D'après Junichirō Tanizaki.

Avec Stefania Sandrelli, Frank Finlay, Franco Branciaroli.

Nino et Teresa, mariés depuis vingt ans, sentent leur vie sexuelle décliner. En découvrant leurs fantasmes révélés dans leurs journaux intimes respectifs, ils espèrent pouvoir y trouver une salvation érotique.

Copie 35mm CSC-Cineteca Nazionale, Rome.


Réalisé en 1982, après l’expérience douloureuse, pour son auteur, de Caligula, somptueux péplum érotique remonté par son producteur, La Clé inaugure ce que sera désormais la carrière de Tinto Brass : une suite d’élégies érotiques et fétichistes dont ce film peut à juste titre être considéré comme une sorte de préface théorique.
Adapté d’un roman de Jun’ichirō Tanizaki, La Clé décrit les tentatives d’un intellectuel vieillissant (incarné par le Britannique Frank Finlay) pour continuer à alimenter un désir toujours vif, mais sur le déclin, en inventant une série de dispositifs destinés à « libérer sexuellement » son épouse, encore prisonnière des convenances, d’une « physiologie du mariage » mortifère. Parvenir à « l’intimité sans la pudeur », tel est énoncé l’objectif que se fixe alors l’homme. La rédaction d’un journal intime décrivant une série de fantasmes et laissé délibérément à portée de sa femme, la circulation de photos de celle-ci dénudée, enclenchera un processus émancipateur. Aux termes d’un duel indirect et aux enjeux informulés, le mari et la femme se découvrent progressivement, lui faisant l’expérience du doux supplice de la jalousie, elle de l’adultère et de diverses variantes pour atteindre le plaisir jusqu’à parvenir à une forme de souveraineté dominatrice.
Éloge du plaisir, de l’émancipation par le sexe et de la liberté au cœur d’une société qui la rejette alors (nous sommes dans l’Italie fasciste de 1940), le film de Tinto Brass est un autel dressé à la sensualité étourdissante de Stefania Sandrelli, sublime déesse callipyge. Le film fut, au moment de sa sortie, un scandale en Italie et témoigna de l’effrontée liberté de la comédienne.

Jean-François Rauger