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Numérisation à partir de la reconstitution effectuée par le National Film Archive de Prague dans les années 1993-1995. Film également connu sous le titre Séduction.
Le scandale éphémère d'un film excessivement mythifié – Extase irradié par la présence dénudée d'Hedy Lamarr – a fait la célébrité de Gustav Machatý. Quelques réussites insuffisantes pour constituer une œuvre le rendent pourtant mystérieux. Erotikon est une de ces réussites. Erotikon remplit les promesses de son titre. Le film est l'exemplaire description des effets dévastateurs d'un coup de foudre érotique dont la puissance bafoue tous les principes moraux, y compris la fidélité obligée par la gratitude. Mais le film vaut primordialement pour son montage moderniste affrontant les objets machiniques et le mouvement des corps, pour les emprunts de matières (brouillard, boue, nuages, fumées...) afin de métaphoriser les élans sensuels, pour ses cadrages rappelant le goût et les partis pris esthétiques qui engendreront L'Atalante de Vigo. La séquence exposant le furieux désir déclenché par la première rencontre entre l'héroïne et celui qui deviendra père par accident, n'est pas sans évoquer, rétrospectivement, l'agitation onaniste des corps de Jean Dasté et de Dita Parlo allongés dans des lits différents. Le film est également une exceptionnelle « mise en raccord » de regards : des regards exorbités par la convoitise érotique ou la stupéfaction à la vision d'un être aimé dans le passé et qui fait un retour soudain. Machatý filme la sidération ; ce qui s'accorde aux contrastes aveuglants du noir et blanc rendus par les éclairages hérités de la Nouvelle Objectivité allemande et par la qualité des pellicules capables de restituer des écarts de lumière immenses entre le jour et la nuit. Ce film somptueusement photographié demeure pourtant inégal mais se conclut en tragédie digne d'un Pabst – avec lequel Machatý collabora.
Dominique Païni