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Peut-être le chef-d'œuvre de James Whale, à coup sur son film préféré. Show Boat est l'adaptation d'un musical qui révolutionna Broadway de par son sujet et dont toutes les chansons, magnifiques, sont recrées de manière bouleversante. À commencer par l'interprétation d'Old Man River par Paul Robeson : non seulement il chante admirablement cette sublime composition, au point qu'elle deviendra SA chanson, mais Whale le filme avec une empathie chaleureuse. Les lyrics, la voix de Robeson lui inspirent une séquence de montage lyrique, quasi expressionniste, avec un magnifique et spectaculaire mouvement de grue. Whale, Kern et Robeson captent l'essence de la souffrance infligée aux Noirs, si bien qu'on croit entendre un negro spiritual. Hattie McDaniel joue une cuisinière mais elle est son propre patron et non une servante soumise. Aucun des airs chantés par les Noirs ne dégage le moindre paternalisme. Au contraire, quand ils chantent, ils sont filmés comme les Blancs, sans stéréotype. Durant un passage poignant où des comédiens blancs imitent les Noirs, Whale cadre dans le public, assis loin derrière les Blancs, plusieurs rangées d'Afro-Américains. Il place la caméra derrière eux, capte leurs émotions, comme dans ces mouvements où la caméra, fluide, cadre deux files séparées de spectateurs noirs et de spectateurs blancs, image frappante. Dans une scène fameuse, le shérif apprend que Julie (Helen Morgan, géniale) a du sang noir et qu'elle est mariée à un Blanc, il la force à quitter le spectacle et chasse le couple de l'État. Whale et Carl Laemle Jr durent se battre pour arracher cette séquence, écartée de la version de 1929. C'est peut-être ce qui explique son urgence. De même, le plan où Steve entaille le bras de sa femme, boit un peu de son sang pour devenir noir est inoubliable.
Show Boat montre que Whale a senti que le Mississippi était un décor idéal pour brasser un certain nombre de mythes américains à travers l'histoire de ces deux femmes fortes, volontaires, abîmées par des hommes plus faibles qu'elles. Il relie ces tragédies à toute une nostalgie collective mêlée de culpabilité, celle de son pays d'adoption, et il les restitue avec le regard d'un étranger, avec élégance et délicatesse, mais sans complaisance. Il y a une sorte d'affinité entre le travail de Whale et certains films de Renoir dans la manière d'évoquer les rapports entre le théâtre et la vie, entre le jeu et la réalité, entre un réalisme précis (le décor du bateau à roue est une réussite exemplaire) et la fable.
Bertrand Tavernier