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C'est un film qui débute par un déraillement de train. Dix secondes d'actualités cinématographiques, un court instantané de l'Italie des années 1900 tout autant que la métaphore d'une trajectoire folle, incandescente : celle du cinéma italien muet, alors locomotive du septième art, que le fascisme finit par précipiter dans le ravin. Grandeur et décadence. Le feu, puis la cendre. Mais quel feu, quelle noce ce fut ! Une pyrotechnie bariolée, une fête des sens à la fois païenne et spirituelle – à la fin du film, Federico Fellini, invoqué sur d'incroyables images écarlates de Maciste en enfer, relate sa première séance de cinéma en 1925, « gravée à jamais, debout comme à l'église ». C'est cette mystique que raconte le merveilleux documentaire de Céline Gailleurd et Olivier Bohler. La façon dont Bartolomeo Pagano (Maciste) et les divas transalpines, Francesca Bertini et Lyda Borelli en tête, guidèrent le peuple italien, fraîchement réuni, dans le chaos du vingtième siècle naissant, tels des demi-dieux. Comment, avant de s'effacer au profit du parlant, et de disparaître dans les flammes des débâcles italiennes et allemandes de 1943, le cinéma italien des origines, grandiose, romantique, lyrique, fut le ciment définitif du Risorgimento et enjamba ses propres frontières pour conquérir le monde. Porté par les voix de Fanny Ardant (en VF) et Isabella Rossellini (en VO), et une musique élégiaque de Lorenzo Esposito Fornasari, Italia, le feu, la cendre ranime cette flamme, le temps d'une séance indispensable.
Xavier Jamet