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Surnommé le « réalisateur sans caméra », Gustav Deutsch, avec sa voix off, apporte une forme épistolaire au récit qui constitue le fil d’Ariane du film : la matière filmique qu’il a réunie est entrecoupée de passages sur le voyage au Maroc avec son compère Mostafa Tabbou, installé en Hollande. La narration contemplative nous fait entrer progressivement dans l’intimité de familles migrantes, à travers leurs propres images, provenant de différentes époques, suspendues entre tradition et modernité. Relatant autant de trajectoires de vies vécues au XXe siècle, d’histoires personnelles marquées par des schémas migratoires, ces documents d’archives nous conduisent en Italie, en Autriche, des États-Unis à la Grèce, de la Suisse à l’Australie.
Si le début de So leben wir, avec son patchwork de films de familles, peut laisser circonspect sur les intentions de Deutsch, sa réflexion sur le phénomène des migrations se fait peu à peu limpide. Des correspondances se dessinent entre ces archives qui, libérées de leur usage initial (des cartes postales en mouvement pour donner des nouvelles aux proches vivant dans d’autres contrées), dégagent ce qui relève presque du panégyrique autour de l’idée de migration.
Souvent considéré comme un virtuose du found footage, Deutsch donne in fine à son film les allures d’une subtile archéologie des médias utilisés, des premiers films amateurs tournés en Super 8 ou en couleur, aux images numériques faites avec des téléphones ou par Skype, en passant par la vidéo.
Élise Girard