Forgetting to Know You

Forgetting to Know You 陌生 [Mo sheng

Quan Ling
Chine / 2013 / 87 min

Avec Tao Hong, Guo Xiaodong, Wang Yizi.

Dans la province de Sichuan, la vie d'un couple dont le mariage se délite peu à peu, entre le poids des habitudes, les soucis financiers, les mensonges, et les fantasmes d'infidélité.

Quan Ling est écrivain. Forgetting to Know You est son premier film.


Forgetting to Know You est un bel exemple du rôle joué par Jia Zhangke comme producteur : pour ce film, il a donné sa chance à une jeune femme écrivain, Quan Lin, connue en Chine pour ses œuvres de fiction, mais qui n’avait jamais tourné de film. Et c’est Yu Likwai, qui est non seulement son directeur de la photo attitré, mais son collaborateur dans les deux compagnies qu’ils ont fondées ensemble, Hu Tong Communications et Xstream Pictures, qui signe l’image. (On retrouve aussi d’autres membres de l’équipe de production de Jia au travail dans le film : Zhang Yang est ingénieur du son, et Lim Giong a écrit la musique.)

Fine analyse psychologique, Forgetting to Know You repose aussi sur le choix heureux de Tao Hong dans le rôle de Chen Xuesong, qui se sent étranglée par la routine de son mariage dans une petite ville où l’avenir semble bouché. Née en 1972, Tao était championne de natation pour l’équipe chinoise, qu’elle avait rejointe à l’âge de 11 ans. Jiang Wen lui offrit son premier rôle au cinéma – celui de Yu Beibei, la « fille délurée » qui fréquente le groupe de garçons – pour Des jours éblouissants (qui fut la soirée d’ouverture de ce cycle). En 1998, elle a un petit rôle dans Le Violon rouge de François Girard. Elle devient célèbre dans des séries télé, tout en continuant de travailler avec des « auteurs ». Elle fait une apparition marquée dans People Mountain People Sea de Cai Shanjung (aussi montré dans ce cycle) en jouant l’ex-femme de Lao Tie. Tao allie une présence physique intense avec la capacité de projeter une intériorité complexe.

Quan Ling lui donne à tenir un petit commerce, dans la chaleur suffocante de l’été sichuanais. Son mari, Cai Weihang (Guo Xiandong) travaille pour une fabrique de meubles. Ils ont une petite fille, Yuanyuan. Leurs ressources sont modestes : ils se déplacent à trois en moto. Les époux sont probablement toujours amoureux l’un de l’autres mais ils se tapent sur les nerfs, et les années de mariage n’ont en rien entamé le charisme et le pouvoir de séduction de Xuesong – ce qui provoque en elle des tentations ou des regrets, et en lui une jalousie sourde.

Quan travaille ces contradictions dans une élégante mise en scène, utilisant le profondeur de champ pour changer subtilement la portée de ce qu’elle nous montre au premier plan et nous offrir un portrait complexe de l’architecture (fascinante) et de la vie sociale de la ville : une des premières séquences, où Xuesong court dans les rues, les marchés et les escaliers à la recherche de Yuanyuan qu’elle n’a pas trouvée à la sortie de l’école, donne le ton. Dans des situations en apparence banales, les malentendus de la vie ordinaire, le feu couve, et l’inattendu est toujours possible.

Un regard intime, généreux et perçant sur la vie de couple, un premier film passionnant.

Bérénice Reynaud


Générique

Réalisateur : Quan Ling
Scénariste : Quan Ling
Société de production : Xstream Pictures (Pékin ; Hong Kong)
Producteur : Zhangke Jia
Directeur de la photographie : Lik-wai Yu
Ingénieur du son : Yang Zhang
Compositeur de la musique originale : Giong Lim
Créateur des décors : Weixin Liu
Interprètes : Hong Tao (Chen Xuesong), Xiaodong Guo (Cai Weihang), Yi Zi, Yibai Zhang