Faust

Faust

Alexandre Sokourov
Russie / 2011 / 134 min
D'après la pièce Faust de Johann Wolfgang von Goethe.

Avec Johannes Zeiler, Anton Adasinsky, Isolda Dychauk.

Faust est un penseur, un rebelle et un pionnier, mais aussi un homme anonyme fait de chair et de sang conduit par la luxure, la cupidité et les impulsions.

Pour achever sa tétralogie sur le pouvoir (Moloch, Taurus et Le Soleil), Sokourov se tourne vers Goethe et les origines du mal. Son Faust s'ancre dans la pesante matérialité d'un village allemand du XIXe, que le divin semble avoir déserté. On connaît l'amour de Sokourov pour la peinture : sa première discussion avec Bruno Delbonnel, qui signe la photographie si particulière du film, Lion d'or à Venise, s'est déroulée au musée de l'Ermitage, devant les toiles du Greco et de Rembrandt. Le film, tourné en 35 mm, a été étalonné numériquement, ce qui a permis à Delbonnel beaucoup de mobilité dans son travail de la couleur. On passe de tonalités chaudes et terreuses d'une vie crasse à des verts-bleus mortifères. Le docteur Faust, avide de savoir, fouille les entrailles mais ne trouve que néant. Il signe donc un pacte diabolique avec l'usurier Mauricius, à qui il vend son âme. Intranquille, il chemine en permanence, physiquement et verbalement, dans un univers à la Bosch ou Bruegel, où les corps grouillent, se sentent, éructent. Cet étourdissement par le trop donne le rythme (le montage assemble des plans courts et multiplie les angles de vue). La course de Faust est cependant suspendue par Margarete, dont il s'éprend et qui dérange le système du film : les plans contemplent sa figure, le ralenti s'immisce dans ses gestes. Icône, elle irradie de lumière, frôlant la surexposition. Elle semble toujours baignée dans la brume, aussi blanche que les nuages célestes de la séquence d'ouverture. Faust saisit, le temps d'une étreinte, cette manifestation de l'âme. Mais aussitôt, le corps de Margarete, décapitée de son visage de lumière par le cadrage, est envahi par la teinte verte d'une mort déjà à l'œuvre. Faust reprend, privé de son âme, son errance, « toujours plus loin ».

Ève Le Fessant Coussonneau


Générique

Réalisateur : Alexandre Sokourov
Scénaristes : Alexandre Sokourov, Marina Koreneva
Auteur de l'oeuvre originale : Johann Wolfgang vonGoethe d'après le texte "Faust"
Adaptateur : Youri Arabov
Producteur : Andrey Sigle
Distributeur d'origine : Sophie Dulac Distribution (Paris)
Directeur de la photographie : Bruno Delbonnel
Compositeur de la musique originale : Andrey Sigle
Directeur artistique : Elena Zhukova
Costumier : Lidia Krukova
Maquilleur : Tamara Frid
Monteur : Jörg Hauschild
Interprètes : Johannes Zeiler (Faust), Anton Adasinsky (l'usurier), Isolda Dychauk (Margarete), Georg Friedrich (Wagner), Hanna Schygulla (la femme de l'usurier), Florian Brückner (Valentin), Antje Lewald (la mère de Margarete), Sigurdur Skúlason (le père de Margarete)