Mômes & Cie


Mômes & Cie

« Tourner avec des enfants, c'est une grande tentation avant, une assez grande panique pendant et une immense satisfaction après. Même quand j'ai le sentiment que tout va à la dérive, il y a toujours quelque chose de sauvé en tout cas, et c'est toujours l'enfant qui est ce qu'il y a de meilleur sur l'écran. » (François Truffaut)

L'exposition Mômes & Cie propose de plonger dans l'univers de l'enfance tel qu'il a été vu et montré par le cinéma. Car l'enfance au cinéma n'est pas un motif comme un autre, c'est un sujet qui a été représenté dès les origines du septième art jusqu'à aujourd'hui et sur tous les continents : un sujet presque atemporel et, à coup sûr, universel.

L'exposition montre toutes les formes du cinéma de l'enfance, fiction, animation, documentaire, en passant par des émotions : la joie / la colère ; le rire / la tristesse ; la peur / le courage... qui s'opposent ou s'associent pour raconter l'odyssée de l'enfance. Elle a été imaginée comme un double voyage, mais deux voyages qui n'en font qu'un : un voyage dans les émotions des personnages d'enfants et un voyage dans les émotions des spectateurs qui sont, ou ont été, des enfants.

L'exposition affirme que le cinéma permet de vivre toutes sortes d'expériences et d'aventures par délégation. Le cinéma amplifie joies, inquiétudes et interrogations des spectateurs ; ses histoires éveillent la curiosité, stimulent l'imaginaire et font rêver. En un mot, le cinéma est une émotion qu'on éprouve enfant et à l'âge adulte, une émotion redoublée par les personnages d'enfants qui sont comme notre regard dans le film et le miroir de nos sentiments les plus forts.

Mômes et Cie est conçue comme un « palais des glaces » où l'on franchit des portes à la fois imaginaires et matérielles. Les visiteurs pénètrent dans des espaces de sensations différentes d'une salle à l'autre, d'une émotion à l'autre et s'immergent dans les mondes espiègles, mystérieux et cruels de l'enfance, car rien n'est moins innocent que ce temps où se mêlent le plaisir et la cruauté.

La scénographie joue avec les formes, matières, textures, lumières et couleurs. La disposition des écrans varie selon les salles pour que les spectateurs soient parfois proches des images, parfois loin, tantôt dominés par elles, tantôt plus grands.

Le parcours est scandé par des « totems » spectaculaires, poétiques, drôles ou effrayants : la très longue chenille bleue d'Alice aux pays des merveilles pour s'asseoir et regarder les films ; les silhouettes grandeur nature du « grand enfant » monsieur Hulot avec sa raquette, sa pipe et son chapeau ; le King Kong géant au seuil de la grotte de peur ; la robe couleur de lune de Peau d'âne qui donne vie au décor de la salle des aventures ; la forêt de Kirikou dans laquelle on déambule...

Au cœur de l'exposition sont proposées des boucles d'extraits de films conçues comme de courts récits : une multitude d'enfants de cinéma, sous l'œil des plus grands cinéastes, inventent des jeux, piquent une colère, expriment violence ou tristesse, partent à l'aventure. Les spectateurs retrouvent les films qu'ils aiment et en découvrent d'autres. Qu'ils soient filmés il y a cent ans en France, cinquante ans en Italie, vingt ans en Iran, ou aujourd'hui au Japon, les enfants des films vivent des émotions dont l'écho est universel. À travers toutes ces époques, il est à parier qu'adultes et enfants trouveront un lieu d'échanges pour débattre et partager leurs plaisirs de cinéma.

Pour poursuivre l'aventure au-delà des films, accéder à l'envers du décor et entrer dans la fabrique du cinéma, on verra des dessins originaux, le plus souvent inédits, issus des collections de la Cinémathèque française ou d'archives personnelles de cinéastes : les esquisses de Marjane Satrapi pour le personnage de la petite fille de Persepolis ; les études pour les personnages, les décors et les planches botaniques réalisées par Michel Ocelot pour Kirikou et la sorcière, Azur et Asmar, Princes et princesses ; les papiers découpés de Lotte Reiniger, les celluloïds originaux du Roi et l'oiseau de Paul Grimault. On verra aussi des dessins préliminaires à des tournages de fiction : la recherche d'un gag ou d'une expression sur un visage, la création d'un costume ou d'une silhouette (Mon oncle, Hugo Cabret, Poil de Carotte, M le Maudit...), l'invention d'une atmosphère et de personnages qui peuplent l'imaginaire de l'enfance (une princesse emprisonnée, un ogre maléfique, un roi qui veut épouser sa fille...).

Aux portraits photographiques d'enfants acteurs s'ajouteront des photos de cinéastes entourés d'enfants comédiens sur des plateaux de cinéma. Des dessins et des lettres rédigées par des enfants spectateurs à des cinéastes témoigneront aussi d'un lien qui peut se tisser et de leur attachement aux films.

De petits théâtres lumineux, une lanterne magique, un grand flipbook à manipuler évoqueront l'enfance du cinéma lui-même, l'enfance de l'art... : ce temps originel où l'illusion du mouvement, les jeux avec l'ombre et la lumière donnaient naissance aux premiers spectacles cinématographiques. À leur tour les visiteurs pourront expérimenter, créer, ils entreront dans la forêt de Kirikou et la sorcière pour s'y photographier, projetteront des images et pourront dessiner sur tout un mur de l'exposition afin d'inventer à leur tour des silhouettes d'enfants de cinéma.

À quoi joue-t-on en somme ? À s'amuser, découvrir, apprendre, être étonné, surpris ou émerveillé, à retrouver des émotions d'enfants...

Patrick Bouchain et Gabrielle Sébire, scénographe et commissaire de l'exposition