Les sept vies cinématographiques de Willy Kurant
Chef opérateur de Godard, Welles, Skolimowski, Pialat, Gainsbourg et plus récemment Garrel, Willy Kurant a suivi, depuis ses débuts dans les années 50 comme reporter caméraman d’information, un parcours foisonnant, éclectique mais cohérent. Pour rendre compte de son expérience professionnelle, nous avons opté pour le choix forcément arbitraire de sept vies cinématographiques, reliées les unes aux autres.
Première étape fondatrice, celle du reportage. Dans les années cinquante-soixante, Willy Kurant sillonne le monde pour rapporter des images aux télévisions francophones. Années d’apprentissage, notamment pour les émissions d’informations de l’époque (5 Colonnes à la une), déterminantes pour celui qui sera marqué à jamais par l’esthétique du cinéma vérité, et qui lui donneront le goût des mouvements de caméra audacieux et des longs plans séquences, que l’on retrouvera par la suite dans de nombreux films dont il réalisera l’image.
Les années reportage, le goût du documentaire et de la caméra portée mènent tout droit Willy Kurant à la Nouvelle Vague. D’abord via le court métrage (Rozier, Karmitz, Averty), avant son premier long métrage comme chef opérateur, Les Créatures d’Agnès Varda, quatrième film de la réalisatrice, curieux film fantastique en scope noir et blanc. Dans la foulée, Godard l’invite à réaliser la photo de Masculin Féminin. « J’ai proposé à Godard de tourner avec une nouvelle pellicule que j’avais déjà utilisée : au lieu de la développer à un gamma de 0,67, je la faisais développer à 0,90, pour éliminer les gris et garder des noirs et des blancs plus contrastés. »
Deux ans plus tard, sans doute sous l’influence du film de Godard, Jerzy Skolimowski demande à Willy Kurant d’assurer la photographie de son quatrième long métrage, Le Départ (1967). Portrait d’un jeune garçon coiffeur amoureux des voitures de course, film sur la vitesse rythmé comme une course automobile. « C’est une photo à l’arraché, avec très peu de moyens. On a tourné pendant 4 ou 5 semaines. Couché en travers de ses genoux, je filmais Jean-Pierre Léaud de travers. Il était lui-même assis sur un chauffeur qui tenait le volant, et le tournage des scènes se déroulait comme ça. »
La même année que Le Départ, Willy Kurant tourne Anna, comédie musicale pour la télévision réalisée par Pierre Koralnik, pour qui la grande force du chef opérateur était de « connaître aussi bien la lumière naturelle que l’éclairage académique d’avant la nouvelle vague. » Précisément, Anna, par sa modernité (fiction pop aux couleurs saturées, hymne à la beauté d’Anna Karina), « trait d’union musical entre Nouvelle Vague et pop art », toujours selon Koralnik, est devenu avec les années un véritable « film culte » soutenu par les chansons célèbres du tandem Michel Colombier – Serge Gainsbourg. Près de neuf ans plus tard, « l’homme à tête de choux » rappelle Kurant pour mettre en images son premier long métrage, l’hyperréaliste Je t’aime moi non plus. Deux autres collaborations suivront : Equateur (1983) pour lequel le chef opérateur élabore une photo sombre utilisant pour certaines scènes la lumière vive des lampes à arc, et Charlotte for ever (1987), tourné à l’épaule dans une lumière très proche de celle de certains films hollywoodiens des années cinquante-soixante.
Cinquième étape, cinquième vie, la rencontre avec Orson Welles pour Une histoire immortelle, en 1966, lui permet d’expérimenter une fois de plus et de compenser parfois le manque de moyens. « À Chinchon, en Espagne, un jour sur le plateau, toute une partie du matériel n’était pas arrivée, j’ai alors « vendu » à Orson des plans au 150 mm (longues focales) comme substitut de voiture travelling, lui qui n’avait jamais utilisé un objectif au-delà de 32mm ! » Malheureusement deux tiers des films de Welles dont Willy Kurant a fait l’image ne sont pas visibles aujourd’hui, L’Héroïne, qui devait être la suite d’Une histoire immortelle et The Deep, projet ambitieux de Welles situé sur un bateau, tous deux inachevés. La carrière américaine de Willy Kurant débutera juste après le tournage de ce film. Près de 25 ans passés aux Etats-Unis, entre films indépendants et budgets plus importants, et exploration sous pseudonyme de la série B façon Roger Corman (Le Monstre qui venait de l’espace, etc.).
Avec La Nuit du lendemain d’Hubert Cornfield, il filme Marlon Brando et crée à la toute fin une magnifique « nuit américaine », véritable aube bleutée dont l’ancien élève apprenti de l’Institut Photographique de Belgique s’était fait une spécialité. Un autre nuit américaine (mêlée à une nuit véritable) éclaire une célèbre séquence de Sous le soleil de Satan de Maurice Pialat. Ce film (marqué aussi par la lumière des paysages flamands de l’enfance de Willy Kurant) constitue l’apogée de leur collaboration, entamée en 1963 avec les Chroniques turques, influencées par l’esthétique « caméra portée » du reporter qu’il était à l’époque. Pour Pialat, il photographiera également plusieurs séquences de À nos amours, intérieurs et extérieurs de ce qui constitua le pré-tournage à Hyères. Les relations entre Kurant et Pialat n’ont pas toujours été simples, mais le cinéaste évoqua toute son estime pour le chef opérateur dans le livre de Dominique Maillet, En lumière, sur les directeurs de la photographie (éd. Dujarric, 2001) : « À mon avis, Kurant est un grand formaliste, je le dis avec affection, beaucoup plus grand qu’il ne croit et que peut-être lui-même, il voudrait être… »
Willy Kurant poursuit aujourd’hui ses multiples vies cinématographiques. L’une des plus récentes, la septième et dernière évoquée ici, est celle qui l’a vu rencontrer Philippe Garrel pour éclairer Un été brûlant en 2011, et La Jalousie, tourné en mars 2013. Les deux films en scope semblent symboliser tout l’art de la lumière de Willy Kurant, le premier traitant la couleur de l’image comme une aquarelle aux couleurs primaires, le deuxième réalisé dans un noir et blanc très contrasté en référence aux premiers longs métrages du chef opérateur.
Bernard Payen
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Dans les salles
Films, rencontres, conférences, spectacles
Du 2 mai au 3 juin 2013
Les films
- À nos amours Maurice Pialat / France / 1983 Di 5 mai 14h30
- Anna Pierre Koralnik / France / 1966 Sa 4 mai 14h30 Di 2 juin 17h00
- Au pan coupé Guy Gilles / France / 1967 Me 8 mai 19h00 Me 22 mai 19h00
- Aventure de Catherine C. Pierre Beuchot / France-Italie / 1989 Me 22 mai 21h00 Ve 31 mai 17h00
- Béjart François Weyergans / Belgique / 1961 CM Di 26 mai 19h00 Je 30 mai 17h00
- Bosphore (Le) Maurice Pialat / France / 1962 CM Di 19 mai 19h15
- Briqueterie (La) Paul Meyer / Belgique / 1956 CM Di 26 mai 19h00 Je 30 mai 17h00
- Byzance Maurice Pialat / France / 1964 CM Di 19 mai 19h15
- Charlotte for ever Serge Gainsbourg / France / 1986 Ve 17 mai 19h00 Me 29 mai 14h30
- Corne d'or Maurice Pialat / France / 1964 CM Di 19 mai 19h15
- Créatures (Les) Agnès Varda / France-Suède / 1965 Ve 24 mai 16h30 Lu 3 juin 14h30
- Cuisine et dépendances Philippe Muyl / France / 1992 Lu 6 mai 19h30
- Départ (Le) Jerzy Skolimowski / Belgique / 1967 Je 2 mai 20h00 Sa 1 juin 19h00
- Elsa la rose Agnès Varda, Raymond Zanchi / France / 1966 CM Ve 24 mai 16h30 Lu 3 juin 14h30
- Equateur Serge Gainsbourg / France-Gabon / 1983 Lu 6 mai 21h45
- Fellini Dominique Delouche / Belgique / 1960 Di 12 mai 20h00
- Flagrant désir Claude Faraldo / France / 1986 Ve 24 mai 21h00 Je 30 mai 14h30
- Idea Jean-Christophe Averty / Allemagne / 1968 Lu 6 mai 21h30 Je 16 mai 17h00
- Idoles (Les) Marin Karmitz, Paule Sengissen / France / 1963 CM Di 26 mai 19h00 Je 30 mai 17h00
- Istanbul Maurice Pialat / France / 1964 CM Di 19 mai 19h15
- Je t'aime moi non plus Serge Gainsbourg / France / 1975 Di 26 mai 21h00
- Loin du Vietnam Jean-Luc Godard, Joris Ivens, William Klein, Claude Lelouch, Alain Resnais / France / 1967 Sa 25 mai 21h00 Ve 31 mai 14h30
- Lune rouge John Bailey / Etats-Unis / 1994 Je 23 mai 21h00
- Maître Galip Maurice Pialat / France / 1964 CM Di 19 mai 19h15
- Mama Dracula Boris Szulzinger / Belgique-France / 1980 Ve 31 mai 20h00
- Masculin féminin Jean-Luc Godard / France-Suède / 1965 Sa 18 mai 17h00 Je 30 mai 21h00
- Monstre qui vient de l'espace (Le) William Sachs / Etats-Unis / 1977 Ve 31 mai 22h00
- Nuit du lendemain (La) Hubert Cornfield / Etats-Unis / 1967 Me 15 mai 21h00
- Nuit noire, Calcutta Marin Karmitz / France / 1964 CM Di 26 mai 19h00 Je 30 mai 17h00
- Pehlivan Maurice Pialat / France / 1963 CM Di 19 mai 19h15
- Pierres éparses Maurice Pialat / France / 1962 CM Di 19 mai 19h15
- Pink Floyd à Pompeï (Les) Adrian Maben / France / 1971 Ve 3 mai 19h30 Sa 25 mai 17h00
- Quartier chaud Fritz Kiersch / Etats-Unis / 1984 Je 9 mai 21h00
- Sous le soleil de Satan Maurice Pialat / France / 1986 Ve 10 mai 19h00
- Trans-Europ-Express Alain Robbe-Grillet / France / 1966 Je 16 mai 21h00
- Un été brûlant Philippe Garrel / France-Italie-Suisse / 2010 Sa 4 mai 19h30 Me 29 mai 19h00
- Une histoire immortelle Orson Welles / France / 1966 Sa 11 mai 19h30 Sa 1 juin 17h00
- White man Desmond Nakano / Etats-Unis / 1994 Me 15 mai 19h00 Me 29 mai 17h00
Willy Kurant, reporter-réalisateur
- Caméra 3 : Cuba diccionario Willy Kurant / France / 1968 CM Di 2 juin 21h15
- Cinq collones à la une : Vietnam : Madame Nhu Willy Kurant / France / 1963 CM Di 2 juin 21h15
- Pélerins de Las Vegas (Les) Jean-Christophe Averty / France / 1963 CM Di 2 juin 21h15
Rencontres et conférences
- Anna Pierre Koralnik
- Willy Kurant par Willy Kurant : une leçon de cinéma

- Un été brûlant Philippe Garrel

- À nos amours Maurice Pialat
- Cuisine et dépendances Philippe Muyl
- Idea Jean-Christophe Averty
- Equateur Serge Gainsbourg
- Au pan coupé Guy Gilles
- Quartier chaud Fritz Kiersch

- Sous le soleil de Satan Maurice Pialat
- Une histoire immortelle Orson Welles

- Fellini Dominique Delouche
- Lune rouge John Bailey

- Les Créatures Agnès Varda
- Elsa la rose Agnès Varda, Raymond Zanchi CM
- Flagrant désir Claude Faraldo
- Charlotte for ever Serge Gainsbourg
- White man Desmond Nakano

- Un été brûlant Philippe Garrel
- Flagrant désir Claude Faraldo
- Béjart François Weyergans CM
- La Briqueterie Paul Meyer CM
- Les Idoles Marin Karmitz, Paule Sengissen CM
- Nuit noire, Calcutta Marin Karmitz CM

- Masculin féminin Jean-Luc Godard

- Loin du Vietnam Jean-Luc Godard, Joris Ivens, William Klein, Claude Lelouch, Alain Resnais
- Aventure de Catherine C. Pierre Beuchot
- Mama Dracula Boris Szulzinger
- Le Monstre qui vient de l'espace William Sachs
- Anna Pierre Koralnik
- Cinq collones à la une : Vietnam : Madame Nhu Willy Kurant CM
- Caméra 3 : Cuba diccionario Willy Kurant CM
- Les Pélerins de Las Vegas Jean-Christophe Averty CM
Partenaires et remerciements
Willy Kurant, INA, Lobster films, Gaumont, Archives Françaises du films, Ciné-Tamaris, Cinémathèque royale de Belgique, ZDF, Cinémathèque du Luxembourg, Academy Film Archive, Wild Bunch, Adrian Maben, Universal Pictures, Pierre Beuchot, François Weyergans, Cinémathèque de la danse, La Sofra, Malavida.

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